Cet article est extrait de mon mémoire de fin d'études qui porte sur l'expérience sensorielle sur les sites des parfumeurs. Tandis que ce travail mêlait marketing du luxe, ergonomie et philosophie, ici je me focalise uniquement sur les résultats de l'analyse sensorielle.
Celle-ci a été menée grâce une grille s'inspirant de celle proposée par Uché Okonkwo dans son ouvrage Luxury Online, mais fortement remaniée et interprétée au moyen de critères ergonomiques objectifs. Si je me réserve les détails de cet outil, j'expose ici les résultats et quelques remarques que cette analyse plutôt originale peut suggérer.
Si vous avez des remarques, des questions, ou encore si vous envisagez de marketer un parfum via le web, n'hésitez pas à me contacter à lionel.millet{@}yahoo.fr
Retrouvez également ma veille luxe sur http://www.scoop.it/t/son-of-luxury
1. Les
sites
des
parfumeurs
et
les
sens
Sommaire
Parfumeurs
et
sites
web
................................................................................................................
1
Luxemosphère
et
sens
:
Uché
Okonkwo,
Luxury
Online
.....................................................
2
Un
concept
:
la
«
luxemosphère
»
.........................................................................................................
2
Grille
d’analyse
sensorielle
issue
de
la
luxemosphère
.................................................................
3
Analyse
des
sites
..............................................................................................................................
4
Remarques
sur
la
grille
d’Okonkwo
..........................................................................................
9
Les
pistes
possibles
pour
les
marques
de
parfums
...........................................................
11
Parfumeurs
et
sites
web
Promouvoir
un
parfum
sans
le
faire
sentir
ne
peut
s’effectuer
que
par
des
moyens
détournés.
C’est
pourquoi
sont
déployés
autour
de
lui
un
univers,
du
rêve,
et
donc
un
réseau
de
sens
et
de
valeurs.
On
pourrait
même
dire,
de
manière
provocatrice,
qu’au
fond
peu
importe
son
odeur,
les
«
blind
test
»
étant
au
demeurant
médiocres
même
pour
des
parfums
emblématiques.
Sur
le
web,
la
situation
prend
un
relief
intéressant
car
l’odeur,
sauf
dispositifs
encore
expérimentaux,
n’est
pas
de
facto
transmise
par
ce
média.
L’expérience
nécessairement
indirecte
qu’il
en
procure
est
l’objet
de
cet
article.
Au
moins
3
éléments
doivent
être
gardés
à
l’esprit
en
abordant
cette
question
:
• Potentiellement,
les
possibilités
de
création
d’univers
sont
on
ne
peut
plus
vastes
sur
Internet.
• La
présence
sur
le
web
des
marques
de
luxe,
qui
initient
la
plupart
des
grands
parfums,
reste
un
sujet
discuté.
Globalement,
la
créativité
et
l’avant-‐
gardisme
propres
au
luxe
ont
du
mal
à
être
mis
en
scène
sur
la
toile,
en
dépit
de
quelques
brillantes
exceptions.
1
2. • Les
attentes
des
visiteurs
des
sites
web
des
marques
de
luxe
ont
évolué.
Ils
souhaitent
vivre
sur
le
site
une
expérience
aussi
exceptionnelle
que
celle
vécue
en
boutique.
Dans
quelle
mesure
les
expériences
proposées
par
les
parfumeurs
sur
leur
site
web
répondent-‐elles
au
haut
degré
d’exigence
légitimement
attendu
de
la
part
des
clients
des
marques
de
luxe
?
Le
concept
de
«
luxemosphère
»
d’Uché
Okonkwo
nous
servira
à
répondre
à
cette
question.
Luxemosphère
et
sens
:
Uché
Okonkwo,
Luxury
Online
Okonkwo
s’attache
à
montrer
que
le
web
est
une
opportunité
pour
les
marques
de
luxe.
Par
delà
la
richesse
de
son
livre,
le
plus
important
pour
nous
est
qu’il
fournit
des
critères
d’analyse
intéressants
pour
le
sujet
qui
nous
occupe
puisqu’ils
sont
basés
sur
les
5
sens.
Un
concept
:
la
«
luxemosphère
»
Dans
le
marketing
du
web
s’est
forgé
en
2002
le
concept
de
«
webmosphère
»,
néologisme
combinant
«
web
»
et
«
atmosphère
».
Luxe
Corp
a
quant
à
lui
forgé
le
concept
de
«
luxemosphère
»,
«
qui
décrit
l’atmosphère
prestigieuse
que
chaque
site
de
marque
de
luxe
cherche
à
créer
à
la
fois
en
ligne
et
hors
ligne
»1.
«
La
question
est
de
créer
une
expérience
en
ligne
exceptionnelle
pour
chaque
personne
visitant
et
revisitant
le
site
web
» 2 .
L’idée
est
de
créer
des
environnements
uniques
et
inoubliables
immergeant
le
visiteur
dans
l’univers
de
la
marque.
Une
autre
manière
de
l’aborder
est
de
partir
de
l’ouvrage
précédent
d’Okonkwo,
Luxury
Fashion
Branding.
Dans
l’introduction,
elle
explique
que
le
management
d’une
marque
de
luxe
est
spécifique.
La
ferveur
exceptionnelle
et
un
comportement
évoquant
parfois
celui
de
«
robots
enthousiastes
»3
de
la
part
des
consommateurs
en
résultent.
Mais,
demande
Okonkwo,
pourquoi
?
«
The
answer
is
simple
:
luxury
brands
have
the
power
1
P.
121
2
P.
111.
Et
d’ajouter
:
«
Cette
expérience
riche
se
traduira
éventuellement
en
ventes
et
en
loyauté.
»
3
U.
Okonkwo,
Luxury
Fashion
Branding,
Palgrave
Macmillan,
2007,
p.
10
2
3. of
BRANDING
!
»
Autrement
dit,
ces
marques
génèrent
de
l’
«
emotional
branding
»4.
Nous
pouvons
dire
que
sur
le
web,
la
luxemosphère
est
d’une
certaine
façon
la
manière
dont
une
marque
de
luxe
noue
cette
relation
(«
is
branding
»)
à
travers
une
expérience
particulière.
Pour
Okonkwo,
celle-‐ci
est
avant
tout
sensorielle.
Grille
d’analyse
sensorielle
issue
de
la
luxemosphère
Nous
avons
ôté
la
partie
concernant
le
goût
et
supprimé
trois
critères
:
• Pour
l’odorat,
«
references
»
reste
obscur
et
il
est
absent
du
reste
de
l’ouvrage.
• Pour
le
toucher,
«
vision
en
temps
réel
du
produit
»
n’est
pas
pertinent
ici.
• Le
«
vestiaire
virtuel
»
demeure
a
priori
étranger
à
la
parfumerie,
même
si
en
faisant
preuve
d’imagination
cette
piste
pourrait
être
creusée.
Sens
Manifestation
dans
la
luxemosphère
Page
de
bienvenue
forte
Page
d'accueil
percutante
Design
propre
à
la
marque
Thème
de
couleurs
harmonieux
Haute
déf.
&
pertinence
des
images
Vue
Police
du
texte
claire
Taille
du
texte
suffisante
Mode
plein
écran
Avatars
pertinents
Equilibre
des
éléments
graphiques
Sons
adéquats
avec
identité
marque
Variété
de
musiques
Choix
de
multiples
musiques
Outils
de
contrôle
du
son
Fond
sonore
propre
à
chaque
section
Ouïe
Son
spécifique
pour
les
clics
Choix
des
voix
narratrices
Ton,
hauteur
et
tempo
équilibrés
Option
d'écoute
du
texte
Possibilités
de
traduction
du
texte
Diffusion
d'odeurs
Odorat
Echantillons
Descriptions
Possibilités
de
zoom
Toucher
Diaporamas
pertinents
4
Voir
à
ce
sujet
l’intéressant
ouvrage
de
Marc
Gobé
Emotional
Branding
3
4. Vidéos
en
plein
écran
Vue
en
3-‐D
du
produit
Vues
interactives
Vues
alternées
Zoom
interactif
Animation
flash
Catalogues
type
PDF
enrichi
Navigation
horizontale
Plan
resserré
des
photos
Option
avatar
Démonstrations
Exigeante
en
elle-‐même,
le
manque
de
précision
de
certains
critères
voire
leur
caractère
subjectif
nous
empêchent
cependant
d’utiliser
cette
grille
telle
quelle.
Afin
d’évaluer
les
sites
des
parfumeurs,
nous
l’avons
complétée
en
mettant
au
point
un
système
de
notation
aussi
objectif
que
possible
grâce
à
des
critères
ergonomiques.
Analyse
des
sites
4
5. 1) La
vue
est
le
sens
exploité
par
tous
5
4
3
2
1
0
Vue
5
4
3
Robert
Piguet
2
1
Guerlain
Toucher
0
Ouie
Paco
Rabanne
Viktor
&
Rolf
Odorat
On
remarque
que
les
deux
sites
qui
exploitent
le
moins
les
effets
visuels
sont
l’un
bi-‐
centré,
l’autre
polysensoriel
moyen.
Les
deux
qui
les
exploitent
le
plus
sont
également
polysensoriels
moyens.
Cela
nous
indique
que
l’attention
portée
à
la
vue
reste
relativement
indépendante
de
celle
portée
aux
autres
sens.
5
6. 2)
L’ouïe
est
négligée
par
la
moitié
des
marques
analysées
Vue
5
4
Robert
3
Piguet
2
Hermes
1
Givenchy
Toucher
0
Ouie
Lolita
Lempicka
Annick
Goutal
Odorat
Toutes
ces
marques
ne
proposent
pas
le
moindre
son.
De
plus,
le
choix
de
langue
qui
est
un
critère
inclus
dans
l’ouïe
dans
le
tableau
d’Okonkwo
est
faible
chez
eux
(limité
à
français
/anglais).
Vue
5
4
3
2
1
Toucher
0
Ouie
Guerlain
Chanel
Odorat
Paco
Rabanne
Viktor
&
Rolf
Thierry
Mugler
Les
autres
marques
utilisent
divers
sons
et
proposent
des
traductions
de
leurs
contenus
en
au
moins
deux
langues.
Le
site
de
Viktor
&
Rolf
obtient
la
note
la
plus
élevée
:
il
6
7. propose
un
univers
sonore
unique,
avec
des
musiques
et
des
sons
spécialement
créés
pour
la
marque.
Les
langues
proposées
sont
en
outre
variées
(8
langues).
3)
Les
sites
des
parfumeurs
et
l’odorat
• Deux
sites
n’exploitent
pas
ou
peu
ce
sens
:
Vue
4
3
2
1
Hermes
Toucher
0
Ouie
Chanel
Odorat
Hermès
ne
l’exploite
pas
du
tout
:
il
ne
propose
ni
échantillons
ni
de
description
olfactive
de
son
parfum
Terre,
qui
compte
parmi
les
parfums
mythiques
selon
le
livre
de
Marie-‐
Bénédicte
Gauthier.
Chanel
l’exploite
très
peu
:
la
marque
se
contente
de
stimuler
l’imagination
en
décrivant
rapidement
le
type
de
personne
pour
lequel
sont
faits
ses
parfums,
par
exemple
le
N°5.
• Les
autres
sites
l’exploitent
et
sont
polysensoriels.
Les
mieux
notés
qui
sont
Lolita
Lempicka,
Annick
Goutal
et
Thierry
Mugler
décrivent
la
pyramide
olfactive
des
parfums,
utilisent
des
«
métaphores
»
stimulant
l’odorat
via
l’imagination
(par
exemple
pour
Ambre
Fétiche
chez
Goutal
«
une
véritable
promenade
auprès
des
oasis,
des
sables
du
désert
et
des
marchands
d'épices
»)
et
proposent
l’envoi
d’au
moins
trois
échantillons.
7
8. 4)
Le
sens
du
toucher
est
faiblement
stimulé
5
4
3
2
1
0
Piguet
Guerlain
Lolita
Chanel
Hermès
V&R
Goutal
Givenchy
Mugler
Paco
R.
Moyenne
Thierry
Mugler,
qui
est
le
meilleur
du
panel,
obtient
tout
juste
2,5
sur
5.
On
voit
donc
que
le
toucher
demeure
un
sens
clairement
mis
de
côté
par
les
marques
de
parfum.
Les
deux
sites
les
moins
bien
notés
et
le
site
le
mieux
noté
Vue
5
4
3
2
1
Robert
Piguet
Toucher
0
Ouie
Hermes
Odorat
Hermès
et
Robert
Piguet
sont
les
deux
marques
bi-‐centrées
et
leurs
notes
n’excédent
pas
3
sur
5
pour
les
sens
exploités,
en
l’occurrence
la
vue
et
le
toucher.
8
9. Vue
5
4
3
2
1
Toucher
0
Ouie
Thierry
Mugler
Odorat
Thierry
Mugler
est
la
marque
polysensorielle
forte
et
équilibrée
:
ces
deux
points
expliquent
logiquement
pourquoi
elle
obtient
la
meilleure
moyenne.
Les
tendances
que
dégage
cette
approche
• Selon
les
critères
d’Okonkwo,
seule
le
site
des
parfums
Thierry
Mugler
offre
une
réelle
«
luxemosphère
»,
car
il
est
polysensoriel
fort.
Deux
autres
marques
n’en
sont
pas
loin,
Paco
Rabanne
et
Viktor
&
Rolf.
Ces
trois
marques
sont
récentes
et
ont
un
esprit
plutôt
avant-‐gardiste
par
comparaison
avec
des
maisons
plus
ancrées
dans
une
tradition
ou
les
parfumeurs
de
niche.
Ceci
pourrait
expliquer
leurs
moyens
mis
en
œuvre
pour
parvenir
à
ce
résultat.
• Sauf
Hermès
et
Chanel,
les
sites
des
parfumeurs
stimulent
l’odorat.
Les
différences
de
notes
pour
ce
sens
s’expliquent
surtout
par
l’envoi
ou
l’absence
d’envoi
d’échantillons,
élément
lui-‐même
lié
de
fait
à
la
présence
ou
non
d’une
boutique
en
ligne.
En
somme,
la
plupart
des
sites
n’offrent
pas
une
luxemosphère
satisfaisante
en
étant
focalisés
sur
la
vue
et
en
offrant
des
expériences
olfactives
et
auditives
très
inégales.
Remarques
sur
la
grille
d’Okonkwo
Les
articles
de
luxe
sont
des
objets
hautement
sensuels.
De
ce
point
de
vue,
analyser
l’expérience
de
la
marque
vécue
depuis
le
web
en
partant
des
sens
paraît
une
très
bonne
idée.
Mais
la
vue
est
explicitement
le
sens
mis
en
avant
par
la
grille,
car
c’est
lui
qui
9
10. regroupe
le
plus
de
critères.
«
Comme
nous
le
savons,
la
vue
est
l’un
des
plus
importants
sens
qui
attire
et
conduit
les
clients
vers
une
marque.
»5
Cela
demeure
sans
doute
juste,
mais
il
est
possible
d’imaginer
de
quoi
nuancer
quelque
peu
cela
lorsque
le
cœur
des
produits
n’est
pas
d’abord
visuel
:
typiquement,
les
parfums.
Plus
profondément,
si
la
luxemosphère
regroupe
l’ensemble
des
éléments
du
site
web
d’une
maison
de
luxe
visant
à
faire
vivre
une
expérience
inoubliable,
une
analyse
reposant
seulement
sur
les
sens
pour
l’évaluer
ne
peut
qu’être
incomplète.
Cette
insuffisance
se
trouve
en
germe
dans
la
manière
dont
Okonkwo
a
introduit
la
question
des
sens.
En
effet,
l’argumentation
est
la
suivante.
L’expérience
de
la
marque
sur
le
web
est
fondamentalement
une
expérience
spirituelle.
Notre
auteure
propose
donc
de
miser
sur
les
connotations
spirituelles
que
peuvent
éveiller
des
éléments
sensoriels,
un
exemple
pouvant
être
certaines
couleurs
évocatrices
de
valeurs
ou
d’un
état
d’esprit
(le
vert
ou
le
rouge
symboliseraient
l’intelligence).
Or,
faire
comme
si
ce
qui
stimule
les
sens
pouvait
indirectement
recouper
l’ensemble
de
ce
qui
éveille
l’esprit
ne
va
aucunement
de
soi
:
il
semble
même
plutôt
que
la
dimension
spirituelle
est
plus
vaste
que
ce
que
les
sens
peuvent
indirectement
en
éveiller.
Trois
choses
au
moins
peuvent
le
suggérer
:
• Le
recours
nécessaire
à
l’ergonomie
pour
expliciter
la
grille
reposant
sur
les
sens.
L’expérience
en
question
est
en
partie
vécue
d’un
autre
point
de
vue
que
sensoriel,
par
exemple
lorsqu’il
s’agit
du
contrôle
utilisateur.
• La
dimension
spirituelle
est
stimulée
par
la
marque
via
d’autres
moyens
que
la
sensation,
par
exemple
–
et
cet
aspect
est
très
important
–
par
les
réseaux
sémantiques,
de
significations.
Le
choix
des
mots
est
à
cet
égard
un
élément
central
qui
n’a
rien
à
voir
avec
les
sens.
D’ailleurs,
certaines
descriptions
sur
les
sites
des
parfumeurs
des
univers
auxquels
appartiennent
les
créations
n’ont
rien
de
sensoriel.
• L’expérience
exceptionnelle
peut
être
produite
par
des
moyens
tout
autres
que
sensoriels,
fussent-‐ils
des
conditions
nécessaires
pour
que
fonctionnent
ces
autres
moyens.
Nous
pouvons
par
exemple
penser
aux
espaces
exclusifs
qui
donnent
accès
à
des
contenus
spécifiques
et
personnalisés.
Le
«
Secret
Service
»
de
Viktor
&
Rolf
est
à
cet
égard
exemplaire
:
en
plus
d’être
du
point
de
vue
de
la
5
P.
124
10
11. marque
un
bon
e-‐CRM,
il
fait
vivre
à
l’utilisateur
une
expérience
unique
qu’il
a
le
sentiment
de
vivre
en
exclusivité.
Par
ailleurs,
une
polysensorialité
riche
n’implique
pas
nécessairement
une
«
luxemosphère
».
Si
dès
les
étapes
préalables
au
lancement
d’un
site
web,
une
marque
de
luxe
ne
mène
pas
une
profonde
réflexion
sur
son
identité
afin
de
la
mettre
en
œuvre
sur
celui-‐ci,
des
efforts
pour
que
le
site
stimule
tous
les
sens
risquent
fort
d’être
vains.
Ajoutons
une
dernière
réserve
découlant
de
toutes
ces
considérations,
qui
mériterait
d’être
développée
bien
plus
amplement
que
nous
le
pouvons
ici.
Nous
avons
plusieurs
fois
évoqué
les
émotions,
et
même
apporté
un
éclairage
sur
la
luxemosphère
au
moyen
de
l’emotionnal
branding.
Fondamentalement,
nous
pensons
qu’une
confusion
reste
entretenue
dans
l’analyse
d’Okonkwo
entre
sensation
et
émotions,
voire
même
par
moments
entre
sensations,
émotions
et
«
spiritualité
».
Cette
confusion
expliquerait
pourquoi
au
fonds
cette
grille
d’analyse
de
la
luxemosphère
n’est
pas
utilisable
telle
quelle.
Cependant,
démêler
ces
trois
éléments
nécessiterait
une
analyse
approfondie
et
philosophique
qui
n’est
pas
l’objet
de
cet
article.
Les
pistes
possibles
pour
les
marques
de
parfums
Quoique
ne
visant
pas
à
faire
une
recommandation
aux
parfumeurs,
notre
analyse
peut
mettre
en
valeur
certaines
bonnes
pratiques.
Aucun
site
ne
peut
servir
de
modèle
;
et
un
benchmark
concernant
les
marques
de
luxe
y
compris
s’agissant
de
leurs
sites
web
peut
rapidement
conduire
à
des
malentendus
et
des
absurdités.
Cela
dit,
nous
pouvons
en
signaler
deux
qui
procurent
des
expériences
frappantes
illustrant
le
concept
de
luxemosphère
:
celui
de
Thierry
Mugler
et
celui
de
Viktor
&
Rolf.
Les
deux
ont
un
graphisme
spécialement
créé
pour
la
marque
et
facilement
mémorisable
tant
il
est
spécifique.
Même
chez
Mugler,
l’arrière-‐plan
noir
ne
donne
pas
comme
souvent
ailleurs
l’impression
que
cette
couleur
n’a
été
choisie
que
parce
qu’elle
évoquerait
le
luxe.
Elle
s’accorde
au
contraire
tout
à
fait
à
l’univers
onirique
et
sidéral
développé
autour
des
parfums
Angel
et
Alien.
De
même,
des
sons
ont
été
créés
pour
ces
deux
sites,
tout
particulièrement
chez
Viktor
&
Rolf.
11
12. Cela
étant,
quelques
éléments
se
retrouvant
chez
l’un
ne
sont
pas
présents
pas
chez
l’autre,
ce
qui
peut
laisser
penser
que
le
site
idéal
serait
en
réalité
celui
qui
les
conjuguerait
:
• Viktor
&
Rolf
propose
un
site
web
misant
sur
l’immersion
dans
un
univers
en
trois
dimensions,
cas
unique
parmi
notre
panel
de
parfumeurs
mais
aussi
parmi
l’ensemble
des
parfumeurs.
Globalement,
sur
les
sites
liés
au
luxe
il
n’y
a
guère
que
TheWatchAvenue
qui
procure
une
expérience
semblable.
• Thierry
Mugler
propose
une
navigation
en
plein
écran,
ce
qui
accroit
la
dimension
immersive
de
l’expérience
utilisateur.
• Il
offre
trois
échantillons
de
son
parfum
pour
tout
achat.
Il
serait
possible
de
rétorquer
que
c’est
parce
que
ce
site
est
au
moins
à
50%
une
boutique
en
ligne.
Mais
celle
d’Hermès,
par
exemple,
n’en
envoie
aucun.
Nous
pourrions
imaginer
cela
sans
qu’une
e-‐boutique
soit
présente.
Sur
le
site
de
Viktor
&
Rolf,
cette
absence
n’est
pas
ressentie
comme
une
lacune
vu
la
richesse
de
l’univers
et
l’intensité
de
l’expérience
vécue.
Mais
ce
complément
pourrait
de
facto
augmenter
sa
dimension
olfactive
et
donc
polysensorielle.
Pour
autant,
il
faudrait
que
cette
conjugaison
soit
aussi
accompagnée
d’un
plus
grand
respect
des
critères
ergonomiques
liés
à
l’utilisateur,
sans
quoi
l’expérience
ne
saurait
être
totalement
satisfaisante.
Par
exemple,
les
outils
de
contrôle
du
son
pourraient
être
plus
riches
et
plus
visibles,
les
zooms
plus
puissants,
ou
encore
les
flacons
visibles
à
360°
(ce
qui
n’a
été
mis
en
œuvre
sur
aucun
des
sites
étudiés
ici).
Un
autre
élément
intéressant
est
la
richesse
des
parcours
et
des
tâches
possibles.
Les
«
expériences
»
immersives
que
propose
le
site
de
Paco
Rabanne
autour
de
ses
parfums,
et
pour
Black
XS
en
particulier,
ne
manquent
pas
d’intérêt.
«
Be
a
rockstar
»
propose
à
l’internaute
de
prendre
son
visage
en
photo
et
de
le
mettre
dans
la
peau
d’une
«
rockstar
»
arrivant
à
un
concert,
avec
la
signature
d’autographes
en
faisant
bouger
la
souris,
un
cri
poussé
dans
son
micro
pour
déclencher
une
action,
ou
encore
écarter
les
fans
d’un
geste
de
la
main
effectué
devant
la
webcam…
La
dimension
virtuelle
du
site
s’oublie
l’espace
de
quelques
instants
en
s’incarnant
littéralement
dans
le
monde
réel
du
visiteur.
Cette
expérience
de
la
marque
se
fait
donc
pour
ainsi
dire
dans
une
sorte
d’oubli
de
la
distance
qui
en
sépare.
12
13.
On
rétorquera,
et
peut-‐être
à
raison,
que
les
enseignes
de
luxe
«
authentiques
»
refuseront
par
nature
cet
oubli
de
la
distance
;
qu’une
immersion
dans
la
peau
de
la
star
de
la
publicité
pour
Bleu
de
Chanel
serait
quelque
peu
en
décalage
avec
l’univers
de
la
marque.
Mais
quoiqu’il
ne
soit
ni
possible
ni
souhaitable
de
reproduire
dans
chaque
cas
des
expériences
similaires,
ces-‐dernières
n’en
demeurent
pas
moins
inspirantes.
13