Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, les pays scandinaves et maintenant la France : la vague de l’Open data déferle sur le monde. L’enjeu ? Le développement d'innovations sociales et économiques grâce à la mise en ligne des millions de données produites par l’administration. Portées à la connaissance des citoyens, des chercheurs ou des entreprises, ces données peuvent devenir des mines d’or et peuvent donner naissance à de nouveaux services, favorisant la transparence de l’action publique.
1. premier trimestre 2011
g r a n d a ng l e
Connecter les enfants
hospitalisés
OPENDATA
ET NOUS, ET NOUS, ET NOUS ?
« Libérer » les données
publiques, belle idée.
Et après ? Enquête.
2. ÉDITORIAL SOMMAIRE
RSLN - REGARDS
SUR LE NUMÉRIQUE
Magazine trimestriel gratuit
www.RSLNmag.fr
Microsoft France
SAS au capital de 4 240 000 euros,
39 quai du Président-Roosevelt
PA R É R IC B oU s toU l l E R # 9_Premier trimestre 2011
92130 Issy-les-Moulineaux
Directeur de la publication Président de Microsoft France
Éric Boustouller
Directeur de la rédaction
Marc Mossé
oPEn (yoUR) dAtA
Directrice déléguée
Constance Parodi
Rédactrice en chef
Mélanie Daboudet –
melanie.daboudet@rslnmag.fr « L’information détenue par le gouvernement fédéral Ils l’ont dIt… 2
Conception éditoriale
est un bien national ! » Dès le lendemain de son investiture,
14
Comfluence
45 rue de Courcelles – 75008 Paris
Conception et réalisation
le 20 janvier 2009, Barack Obama lA VIE nUMÉRIQUE 4
graphique hissait l’Open data au premier rang des En bref, l’actualité de la société numérique
JBA – 2 rue des Francs-Bourgeois
75003 Paris – ph.bissieres@jba.fr
priorités de son mandat. Quatre mois
Directrice artistique plus tard, data.gov était lancé, qui ren- PAnoRAMIQUEs 10
Virginie Kahn
Ont collaboré à ce numéro dait accessibles des données publiques La Gaîté lyrique reprend vie !
Delphine Barbier Sainte Marie, de tout ordre : consommation d’énergie La vague de l’Open data déferle sur le monde,
Pierre Bro, Agathe Duchamp,
dans les foyers, rapports d’inspection portant en elle l’espoir de multiples innovations sociales
Pauline Feuillâtre, Yvane Jacob/
et économiques. « Libérer » les données publiques, à lA UnE 14
Spintank, Arthur Jauffret/Spintank, des centrales nucléaires, dépenses de belle idée. Mais après ? Enquête.
Chine Labbé, Caroline Marcelin,
Florence Puybareau. l’État… Une petite révolution, montrant Open data, et nous, et nous, et nous ?
Remerciements
La Gaîté lyrique et Thibaut Thomas
qu’un État peut, sans perdre son pou- Publier ses données
30
Photos non créditées voir, jouer la carte de la transparence Les questions à se poser 20
droits réservés
Imprimerie avec ses concitoyens. La France de l’Open data 22
Point 44 – ZA des Nations Aujourd’hui personne ne mesure Reportage aux États-Unis
342 rue du Professeur-P.-Milliez
94500 Champigny-sur-Marne ni l’étendue ni les conséquences de cette Data.gov, le bilan du pionnier américain 24
Document imprimé sur papier issu
philosophie, qui parie sur l’intelligence collective, la créativité ferti- Avec l’association Data journalisme 26
de forêts gérées durablement, Docteur Souris, L’art de faire parler les chiffres
avec des encres végétales. lisée par le croisement d’autant de données et d’usages à inventer. les enfants hospitalisés
Point 44 est titulaire de la marque Interview de Nigel Shadbolt 27
Imprim’Vert® qui distingue
Nul ne sait, mais le rêve est permis. Car des possibilités ont accès à Internet. « L’Open data oblige à plus
Reportage à
les entreprises de l’industrie immenses se dessinent pour créer les services et les applications de transparence politique »
graphique soucieuses de la gestion la Timone, à Marseille.
34
environnementale de leur activité. qui vont faciliter la vie quotidienne des citoyens, injecter une forte
Les opinions exprimées dans dose de transparence dans la vie démocratique, entraîner de spec-
ce magazine n’engagent que GRAnd AnGlE 30
leurs auteurs et ne reflètent pas taculaires avancées de la connaissance…
Docteur Souris connecte les enfants hospitalisés
nécessairement celles de Microsoft.
Conformément à la loi « Informatique
À bien y regarder, l’Open data n’est ni plus ni moins que l’op-
et Libertés », toute personne ne portunité, pour nous tous, de produire du sens, du bien-être et de
désirant plus recevoir le magazine
l’intelligence à partir des tonnes d’informations amassées, classées, REndEZ-VoUs 34
peut en informer la rédaction
Une patronne à la cybercrim’
(abonnement@ archivées et produites par nous-mêmes. Ne manquent plus que les
regardsurlenumerique.fr)
qui annulera immédiatement idées pour leur donner vie… une seconde fois !
Valérie Maldonado
son abonnement.
Dépôt légal à parution. est à la tête REPÈREs 36
de l’office chargé Les indicateurs de RSLN
de lutter contre
la cybercriminalité.
PARTICIPEZ AU DÉBAT Portrait d’une lE REGARd dE… 37
SUR divisionnaire
RSLNmag.fr au caractère bien
trempé.
Marc Mossé
L’accélérateur des particules élémentaires
.FR
premier trimestre 2011 1
3. la vie « Le e-gouvernement n’est pas par essence différent
de ceux qui le précèdent, mais correspond à
la vie
numérique
Ils l’ont dit… l’ouverture de nouveaux espaces d’expérimentation
permettant de faire évoluer nos façons d’appliquer
numérique
Ils l’ont dit…
la démocratie. » Robin Berjon, conseil en normalisation, blogueur.
Débat RSLN « Un e-gouvernement, c’est quoi ? » « Un concept nouveau
émerge, celui
de “gouvernement
« L’Internet grand public est arrivé comme une plateforme”,
et, de manière inattendue, a remis qui consiste à utiliser
chacun de nous à l’écriture, grâce la technologie pour
rencontres rsLN,
débat entre patrice Flichy et Andrew Keen au mail, aux forums, au chat, etc. » fluidifier les échanges
Jean-Noël Lafargue, maître de conférence associé à l’université Paris 8. économiques et sociaux
Débat RSLN « Le livre numérique, c’est pour bientôt ? »
entre les citoyens. »
Serge Soudoplatoff, responsable de la prospective
numérique à la Fondation pour l’innovation politique.
« Les jeunes ne partagent Débat RSLN « Un e-gouvernement, c’est quoi ? »
pas les inquiétudes
de leurs parents
rencontres rsLN avec Andrew Keen,
chroniqueur et auteur du « Culte de l’amateur »
sur l’usage d’Internet :
ils ont un élan, une envie, « Se dire qu’il faut faire
« Internet n’est plus un jeu. nous
le sentiment que, grâce
aux nouveaux supports du e-gouvernement, c’est avoir
sommes dans l’économie de l’attention
et de la réputation. notre futur est
techniques, ils peuvent
pleinement appartenir une pensée sous forme de
déterminé par notre réseau. » « les amateurs agissent pour le plaisir et
au monde. Notre
jeunesse a moins de gadget et ne pas vouloir
pour développer leurs compétences de façon
autonome. les amateurs ouvrent le champ
présupposés, moins
peur de “l’autre” changer sur le fond. Ce n’est
de la culture à la culture populaire. »
Patrice Flichy, sociologue.
que les générations
précédentes. » Patrice Huerre, pas une affaire de technologie,
rencontres rsLN avec Brian solis,
psychiatre. Dîner-débat « Vie privée,
première crise de conscience
d’Internet ? » à Microsoft France.
c’est une affaire d’approche. »
Alexis Mons, cofondateur et directeur général délégué, Groupe Reflect, agence
spécialiste des réseaux sociaux et du webmarketing
de marketing interactif et relationnel. Débat RSLN « Un e-gouvernement, c’est quoi ? »
« Parce qu’il est numérique « Internet pose enfin
aux démocraties européennes
à la source, c’est une réinvention une question qu’elles ont
du livre qu’on peut imaginer : le livre longtemps négligée : la liberté
“hacké”, transformé, collaboratif, de parole. C’est une opportunité
fantastique. L’imprimerie a permis
rencontres rsLN avec Clay shirky, enseignant
à la New York University et spécialiste du web collaboratif
par chapitre... Autant de formes au plus grand nombre de devenir
nouvelles de littérature qui vont lecteur, Internet donne à chacun
la possibilité de se penser auteur. »
« l’imprimerie a contribué à forger apparaître. Avec de nouveaux modèles Marcela Iacub, juriste, chercheuse au CNRS.
la démocratie ; la radio, le fascisme. d’affaires. » Dominique Piotet, président de RebellionLab. Dîner-débat « Vie privée, première crise
À quelle organisation politique le web Débat RSLN « Le livre numérique, c’est pour bientôt ? » de conscience d’Internet ? » à Microsoft France.
donnera-t-il naissance ? » « Il est impossible de maîtriser
un média qui évolue plus vite Pour suivre l’actualité de nos rencontres et de nos débats, abonnez-vous à notre newsletter sur www.rSlnmag.fr
que notre capacité à apprendre de lui. »
2 premier trimestre 2011 premier trimestre 2011 3
9. À la une
l’OPEN DATA
ET NOUS, ET NOUS, C’était un vendredi de février 2010. Le 5
précisément, en fin d’après-midi. Xavier
Cinq ans après la ville de Washington,
deux ans après l’État fédéral américain et
ET NOUS ?
Crouan, directeur de l’information et son portail data.gov, qui doit beaucoup
de l’innovation numérique de la ville de à Barack Obama, moins d’un an après le
Rennes jette un œil à ses mails. L’un d’entre Royaume-Uni et son data.gov.uk, porté
eux l’intrigue. Le patron des transports par Tim Berners-Lee, l’inventeur du web,
de la communauté et par le quotidien The Guardian, c’est au
urbaine y fait part tour de la ville bretonne de céder à la fièvre
d’une demande inat- de l’Open data. Open data ? Libération des
tendue émanant de données. Mais encore ?
Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, les pays scandinaves Kéolis, l’exploitant
des bus et du métro Une révolution
et maintenant la France : la vague de l’Open data déferle sur le monde. de la ville. Celui-ci qui nous concerne tous
L’enjeu ? Le développement de multiples innovations sociales et économiques suggère de mettre à
disposition des admi- Au commencement étaient les données
grâce à la mise en ligne des millions de données produites par l’administration. nistrés l’ensemble des publiques produites par les services de
Portées à la connaissance des citoyens, des chercheurs, des associations, données qu’il possède l’administration, les collectivités territo-
(détails du réseau, riales. Elles sont de toute nature et de plus
des entreprises, ces informations statistiques, géographiques, urbanistiques… état du trafic, géo- en plus nombreuses : statistiques, géogra-
peuvent devenir des mines d’or dès lors qu’elles sont retravaillées, localisation des sta- phiques, urbanistiques, économiques…
tions…). Les deux hommes gambergent, Ensuite, il y a leur numérisation, désor-
croisées entre elles et mises en scène. Et ainsi contribuer à la création dessinent les premiers contours du dispo- mais généralisée, et la possibilité de les
de nouveaux services tout en favorisant la transparence de l’action publique. sitif à élaborer et réalisent très vite l’intérêt mettre en ligne via le Net. Enfin, la prise de
d’une telle initiative pour une ville qui s’est conscience que tout ce matériel pourrait
EnquêtE : PiErrE Bro. llustrations : laurEnt PariEnty toujours voulue à la pointe du numérique générer des choses formidables s’il était
et de l’engagement citoyen. Le mardi sui- porté à la connaissance des citoyens, des
vant, ils présentent une esquisse de projet chercheurs, des associations, des entre-
au maire, Daniel Delaveau, qui leur donne prises… « Il existe trois moteurs principaux
son feu vert pour en annoncer le lance- au mouvement Open data, explique Daniel
ment… deux jours plus tard. Au terme de Kaplan, délégué général de la Fondation
huit mois de gestation, le 1er octobre, data. Internet Nouvelle Génération (Fing).
rennes-metropole.fr débarquait en ligne. L’amélioration de la connaissance, ...
14 premier trimestre 2011 premier trimestre 2011 15
10. … un service
J’IMAGINE
À la une de recherche
d’appartements
qui me permettrait, après
que j’ai défini mes critères
(surface de l’appartement,
consommation énergétique,
espaces verts alentour, etc.),
d’être alerté dès que je passe
… un outil de gestion
J’IMAGINE
à proximité d’un bien susceptible
pour les collectivités « la puissance de m’intéresser. Je n’ai plus
qui, en agrégeant des données
ouvertes comme celles de l’InSee, publique réalise qu’à me promener là
où je veux vivre ! »
– résultats électoraux, commerces,
écoles... –, permettrait de mieux
que l’information David Larlet, blogueur spécialiste
des questions d’Open data (BioloGeek).
comprendre les évolutions n’est pas un pouvoir
qui s’opèrent au sein de chaque
quartier (nombre d’habitants,
mais une ressource,
âge, aménagement, prix…), au même titre que
et donnerait aux collectivités
les moyens de mieux évaluer l’énergie. »
leurs besoins en équipement. » Jean-Louis Missika,
Bruno Walther, cofondateur de Captain Dash. adjoint au maire de Paris.
... par exemple en matière de compré- puissance publique réalise que l’information York tout en mesurant leur contribution
hension des territoires ; le besoin d’enrichis- n’est pas un pouvoir mais une ressource, au environnementale, et Whoslobbying, sorte
sement du débat citoyen grâce à une plus même titre que l’énergie », décrypte Jean- d’agenda répertoriant les rendez-vous des
grande transparence de l’action publique ; Louis Missika, adjoint au maire de Paris, ministres britanniques avec tout ce qui peut
la création de nouveaux services nés de la qui a piloté le développement du portail ressembler à un groupe d’influence (indus-
combinaison et d’une réutilisation originale Open data de la capitale, mis en ligne le triels, syndicats…).
de ces données. » 27 janvier dernier. Quant aux chiffres,
ils font rêver : dans un récent rapport, La promesse d’avancées
Des applications la Commission européenne chiffrait à dans la recherche
aux usages très variés 27 milliards d’euros les retombées écono-
miques potentielles d’un développement La recherche d’une cohérence dans toutes
Ces perspectives enthousiasmantes font significatif de l’Open data. Pas moins ! ces initiatives semble d’ailleurs préma-
fleurir les superlatifs : « C’est une révolution Alors, qu’en est-il réellement ? Comment, turée, et même inutile, aux yeux des
aussi importante que l’arrivée de l’Internet concrètement, ce « mouvement de libé- défenseurs de ce mouvement. « Bien sûr,
lui-même », s’enflamme Bruno Walther, ration » prend-il forme ? La particularité certaines applications peuvent être consi-
cofondateur de Captain Dash, une start-up de ce phénomène est son caractère diffus, dérées comme des gadgets. Mais nous n’en
qui fournit aux directions marketing un imprévisible et hétérogène. Pas facile, en sommes qu’au tout début », plaide Bruno
tableau de bord dynamique permettant effet, d’établir une communauté d’ob- Walther, qui suggère de revisiter les pre-
de croiser données internes (comme les jectifs entre l’application, pour le moins miers sites Internet, ceux qui furent créés
ventes ou les stocks) et externes (géo- douteuse, vendue aux États-Unis par Been- il y a une quinzaine d’années. « Ce désordre
graphiques, sanitaires, météorologiques, verified.com, qui permet de localiser sur apparent peut devenir vertueux », assure
politiques…), pour optimiser leurs cam- l’écran de son smartphone, par un système quant à lui Daniel Kaplan. Et de souligner
pagnes. « C’est une rupture majeure, l’abou- de réalité augmentée, les adresses des que le secteur du transport constitue à lui
tissement d’un mouvement de fond né il y a délinquants sexuels répertoriées dans les seul un champ d’utilisation considérable
quinze ans, qui a vu l’appropriation par tout registres publics, et cette autre, développée pour l’Open data. Les applications dans
un chacun des outils numériques dans un en Grande-Bretagne, qui recense toutes ce domaine sont de plus en plus sophisti-
monde désormais entièrement numérisé », les dépenses supérieures à 500 livres quées. Le jour n’est pas loin où l’on pourra
renchérit Bernard Stiegler, philosophe des 326 collectivités territoriales. Entre savoir quel est, à l’instant T, le meilleur
et directeur de l’lnstitut de recherche et Treesnearyou, qui localise et décrit cha- moyen – du point de vue de la rapidité,
d’innovation du centre Pompidou. « La cun des 500 000 arbres de la ville de New- de la sécurité, de l’empreinte ...
16 premier trimestre 2011 premier trimestre 2011 17