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Les trajectoires
radiophoniques
Référence : « Les trajectoires radiophoniques », in Sebastien Poulain (sous
la direction de), « Les acteurs des radios locales : à l'échelle des individus et
des radios », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°134, Janvier -
Septembre 2018,
https://lesradioslibres.wordpress.com/2019/01/29/sebastien-poulain-les-
trajectoires-radiophoniques/
No 134 Janvier-Septembre 2018
Les acteurs des radios locales :
à l'échelle des individus et des radios
Dossier établi par
Sébastien Poulain
Sebastien Poulain, Les trajectoires radiophoniques
PREMIÈRE PARTIE : A l’échelle des individus
On s’est connu à l’époque, et puis voilà, on était que ensemble.
Entretien de Laurent Petitguillaume, par Sébastien Poulain
Patrick Farbiaz, On revient d’Italie avec l’idée de suivre les
assemblées générales dans les usines en lutte
Patrick Van Troyen, En 1968, j’ai fait l’acquisition d’un émetteur
récepteur militaire à lampe
Francis Elzingre, Avec des potes on écoutait une radio pirate de la
région : Radio Corsaire
François Chassaing, Nous avions trouvé un cargo de 85 mètres qui
devait battre pavillon espagnol
Alain Léger, Je parcourais la France, c’est comme ça que j’ai
rencontré de nombreuses radios libres
Jacques Lane, Ma radio
Claude Palmer, Le terrain, c’est ce qui m’intéressait le plus
Catherine Portaluppi, Je voulais travailler en asso ou en collectivité
pour être plus au service des habitants
DEUXIEME PARTIE : A l’échelle des radios
Félix Patiès, Les acteurs de Radio Libertaire de 1978 à 1986
Céline Urbaniak, Faire vivre une radio locale associative, une œuvre
collective : l’exemple de Radio Zinzine dans les années 1980 et 1990
La Clé des Ondes, Bordeaux. L’incontournable radio : La Clé des
Ondes 90.10
Morgane Govoreanu, Les acteurs de la radio associative paloise
R.P.O. 97fm
Jacques Lane, De radio Loches Contact à R.T.L. 2 Touraine (1981-
1997)
Félix Patiès, Les acteurs des Radio Campus : Le cas de Radio
Campus Paris 1998 – 2018
Aurélien Bertini, Martial Greuillet et Claire Millot, On my Radio
Présentation des auteurs
_______________________________________________
_________
ILS ONT FAIT LARADIO
Les trajectoires radiophoniques
Sebastien Poulain
Il existe une hiérarchie médiatique selon laquelle certains
médias sont plus importants que d’autres, et par homologie leurs
salariés/journalistes/animateurs/présentateurs/producteurs. Cette
hiérarchie, rarement explicitée (comme dans toutes les hiérarchies
sociales), est liée à plusieurs critères :
- le chiffre d’affaires ou budget,
- l’autonomie financière et éditoriale (par rapport à
un groupe privé ou aux pouvoirs publics),
- les salariés (en quantité ou en qualité),
- les programmes (en quantité ou en qualité),
- l’audience (en quantité ou en qualité)…,
- mais aussi la dimension géographique.
La dimension géographique n’est pas à négliger. Le média
s’adresse-t-il à une audience internationale ou nationale ou locale ?
Plus l’échelle est grande, plus le média monte dans la hiérarchie. Du
moins, c’était clairement le cas avant l’arrivée d’internet. Aujourd’hui,
tous les médias s’adressent de fait à une audience internationale s’ils
diffusent des informations sur internet quel que soit le support : blog,
site internet, réseaux sociaux, forums, podcasts, diffusion audio-
visuelle… Mais il faut alors distinguer ce qui est de l’ordre du potentiel
et ce qui est de l’ordre de l’effectif : tous les médias s’adressent
techniquement et potentiellement à une audience internationale, mais
peu d’entre eux y parviennent vraiment. Par exemple, la radio d’un
collège qui diffuse ses programmes sur internet sera potentiellement
écoutable par tous les humains de la planète. Sauf que tous les
humains :
- n’ont pas accès à internet,
- ne parlent pas français,
- ne savent pas que ce collège et cette radio
existent,
- ne sont pas intéressés par les programmes
diffusés par cette radio.
Finalement, un média local avant sa diffusion sur internet reste
en grande partie un média local lorsqu’il commence sa diffusion sur
internet.
Le critère géographique ne peut pas être isolé des autres
critères qui sont en réalité cumulatifs et cohérents. Les médias
internationaux ont plus de moyens humains, matériaux, économiques,
plus de programmes, plus de d’animateurs prestigieux, plus
d’audience que les médias nationaux, et eux-mêmes que les médias
locaux. Mais il existe de nombreuses exceptions car :
- une entreprise ou une collectivité territoriale peut
décider d’investir massivement dans un média local1,
- les médias audiovisuels coûtent davantage au
niveau de la production que les médias papier,
- certains médias locaux sont davantage suivis que
des nationaux et internationaux,
- certains médias nationaux sont animés par des
présentateurs plus prestigieux que des médias internationaux,
- certains médias ont beaucoup de moyens
humains, matériaux, économique sans pour autant avoir
beaucoup d’audience,
- certains médias diffusent des programmes en
sachant pertinemment qu’ils ne feront pas d’audience…
En dehors de ces exceptions qu’il ne faut pas négliger dans
une analyse globale, la loi de la hiérarchie médiatique s’applique
particulièrement bien en France qui est un pays unitaire, jacobin,
centralisé où les sièges sociaux des entreprises (médiatiques,
culturelles, économiques) et les institutions politiques se situent à
Paris (historiquement dans le 8ème arrondissement pour les radios
« périphériques » et la radio publique). Cette hiérarchie s’applique
aussi avec des différences selon les modèles économiques entre les
médias commerciaux, publics et associatifs. Au sein du groupe France
Télévisions, il est plus prestigieux, pour un-e journaliste de travailler à
France 2 qu’à France 3 ou d’autres rédactions du groupe, mais il existe
des exceptions, des distinctions, des gradations :
- tout dépend du métier exercé : un-e présentateur-
trice, un-e journaliste rédacteur-trice, un-e rédacteur-trice
reporter d’images, un-e monteur-se, un-e rédacteur-trice en
1 Ne parvenant pas à atteindre l’audience souhaitée, la radio soutenue par la Ville de Paris
(envisagée dès 1978, lancée le 7 décembre 1981 par Jacques Chirac) a changé plusieurs fois
de nom (Radio Service Tour Eiffel, Radio Tour Eiffel, Tour Eiffel, Eiffel 95.2, 95,2 Paris).
La société Paris Média propriétaire de cette radio est dissoute en 1999 après un échec de la
part de Cofiroute (propriétaire d’Autoroute FM qui diffuse jusqu’aux portes de Paris) pour
une reprise. Paris FM, propriété de la Mairie de Paris (40%), de la RATP (15%) et de Vivendi
(45%), a un déficit de plus de 18 millions de francs. Radio Paris FM 95.2 cesse d’émettre le
20 janvier 2000.
chef, un-e chef-fe de service, un-e grand reporter n’ont pas le
même prestige social (au moins en interne),
- au sein d’un même média comme France 3 il y a
une rédaction nationale et des rédactions régionales, les
première étant plus prestigieuses que les secondes, et la
première étant un objectif de carrière pour de nombreux
journalistes qui doivent passer d’abord par les rédactions
locales,
- il existe différentes façon de se valoriser quand on
est journaliste : durée du reportage, passage en plateau ou
non, appartenance à la société des journalistes, sujets traités
(les services politiques et affaires étrangères restent plus
valorisés du faite de la proximité du pouvoir), les activités
journalistiques (l’investigation ou la présentation sont
davantage valorisés que les micro-trottoirs), le contrat de travail
(stagiaire, pigiste, CDD, CDI),
- l’arrivée d’internet a modifié en partie la hiérarchie
car il existe aujourd’hui une rédaction spécifique au numérique
(avec sa propre ligne éditoriale, sa propre société des
journalistes) qui utilise les productions faites pour la télévision
et fait ses propres production et qui obtient un certain succès,
- l’arrivée de la chaine France Info TV en 2016 a
modifié en partie la hiérarchie car cette chaine donne beaucoup
plus d’espace d’antenne aux journalistes, ce qui valorise
particulièrement les journalistes en question, mais l’audience
n’est pas (encore) à la hauteur des espérances (compte-tenu
de la concurrence sur le marché de l’information en continue :
LCI, BFMTV, C News au niveau national, CNN, BBC, Al
Jazeera, i24 news, France 24, RT, Euronews, au niveau
international).
Le média radio est forcément touché par des phénomènes
similaires, et c’est l’objectif de ce numéro que d’y voir plus clair. Mais
la hiérarchie médiatique se retrouve aussi par homologie dans la
recherche sur la radio. La littérature scientifique ou professionnelle
concerne plutôt les radios nationales. D’où les thèses sur RTL2,
2 MARECHAL Denis, Radio-Luxembourg, 1933-1993. Un média au cœur de l’Europe,
Presses universitaires de Nancy et Editions Serpenoise, Nancy, 1994
France Culture3, France Inter4, RFI5. D’un point de vue des
publications des professionnelles, il y a eu des ouvrages publiés lors
des anniversaires : France Info6, France Culture7, France Inter8. Mais
quid des radios locales publiques du réseau France Bleu, qui est un
réseau qui s’est constitué petit-à-petit et qui a donc de nombreux
anniversaires ? Il existe aussi des publications monographiques
d’historiens de la radio ou encore des autobiographies d’animateurs
et journalistes. Mais il s’agit toujours de personnalités vedettes issues
de radios nationales et plus globalement de médias nationaux.
Il existe des mémoires de fin d’étude (Maitrise, DEA, Master…)
sur ce type de radio : Radio Libertaire9, les radios associatives comme
espaces publics10 ou l’économie des radios associatives11… Mais il
est difficile d’en rendre compte car ceux-ci font rarement l’objet d’une
publication. Et les étudiants sont peu nombreux à se lancer dans une
thèse après leur mémoire (compte tenu de l’ampleur du travail et de
l’absence de financement), même si on peut signaler quelques
exceptions :
- l’étude des radios du département de la Gironde12,
- l’étude des radios locales à la frontière basques et
catalanes13,
3 GLEVAREC Hervé, France Culture à l’œuvre. Dynamique des professions et mise en
forme radiophonique, CNRS Editions, 2001
4 DONZELLE Béatrice, Le Journal Parlé de France Inter dans les années 1960.Journalisme
de service public et propagande en démocratie, sous la direction de Christian Delporte,
Université Versailles Saint Quentin-en-Yvelines, Saint Quentin-en-Yvelines, 2013
5 NOUMA Roger, Radio France Internationale : instrument de la présence française dans
le monde, sous la direction de Christian Wallon Leducq, Université Lille 2, 1990
6 David B., FERRANDEZ Jacques et RABATE Pascal, Le jour où...: 1987-2007 : France
Info, 20 ans d'actualité, Futuropolis, 2007
7 AUTISSIER Anne-Marie et LAURENTIN Emmanuel, 50 ans de France Culture,
Flammarion, Paris, 2013
8 GUSTAVE Anne Marie et PERONNET Valérie, La saga de France Inter : Amour, grèves
et beautés, 50 ans de radio, ed Pygmalion, 2013
9 PATIÈS Félix, Radio libertaire, l'organisation d'une radio anarchiste, 1978-1986,
Mémoire de master 2 de recherche menée sous la direction de Pascal Ory, Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle, 2012
10 LEAL Sayonara, Les radios associatives en France : des espaces publics d’expression et
de reconnaissance des différences socioculturelles ?, mémoire du master 2 de sociologie –
mention changement social, Université de Lille, Lille, 2004/2005
11 FENJIRO Nassim, « Pour une radio associative aussi,l’argent est-il le "nerf de la guerre"
? L’exemple de la radio girondine R.I.G. », sous la direction d’Hélène Arzeno, DUT
Communication des Organisations,option Plurimédias, Pôle Information Communication de
l’INFOREC, Université Bordeaux 3 Michel de Montaigne, Bordeaux, septembre 2007
12 CHEVAL Jean-Jacques, Les Radios locales privées en Gironde, thèse de doctorat en
information communication, Université Bordeaux III Michel de Montaigne, Bordeaux, 1986
13 RICAUD Pascal, Médias et territorialités aux frontières (avec les exemples basque et
catalan), thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la
direction d’André Vitalis, UFR SICA, Université Bordeaux 3 Michel de Montaigne,Talence,
juillet 2000
- l’étude des radios des départements français
d’Amérique14,
- l’étude de l’histoire de Lorraine Cœur d’Acier15,
- l’étude de la radio associative Ici et Maintenant16.
Certaines radios locales ont fait l’objet de recherches de la part
de chercheurs au moment où elles étaient en action et plus
récemment : les fameuses « radios libres ». On peut l’expliquer par le
fait qu’elles avaient, du moins certaines d’entre elles, des objectifs
politiques puisqu’elles voulaient faire tomber un monopole national17.
Compte tenu de leur durée de vie et de leur nombre, elles ont été
étudiées comme un mouvement menant une « bataille ». Mais il existe
aussi quelques monographies sur des radios locales (mais plutôt des
radios connues du monde la radio et situées à Paris) : Lorraine Cœur
d’Acier18, Fréquence Libre19, Radio Libertaire20, Carbone 1421.
Peut-on parler d’un désintérêt des auteurs pour les radios
locales ? Si oui, on peut faire plusieurs hypothèses sur la raison :
- Est-ce parce que les archives de ces radios sont moins
nombreuses ?
- Est-ce parce que nous avons un manque de recule
historique (alors même que Claude Collin publiait deux
ouvrages sur les « radios libres » quand celles-ci étaient
actives) ?
14 ANTIOPE Nathalie, Radio infranationale et discursivité identitaire en milieu insulaire :
des représentations sociales aux ethnodiscours médiatiques. Le cas des Départements
français d’Amérique, sous la direction de Guy Lochard et Bruno Ollivier, Université Paris
III Sorbonne Nouvelle, Paris, 2008
15 HAYES Ingrid, Radio Lorraine Coeur d’Acier, Longwy, 1979-1980 :les voix de la crise :
émancipations et dominations en milieu ouvrier, sous la direction de Michel Pigenet,
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2011
16 POULAIN Sebastien, Les radios alternatives.L’exemple de Radio Ici et Maintenant,sous
la direction de Jean-Jacques Cheval, Université Bordeaux Montaigne, Bordeaux, 2015
17 DALLE Matthieu, Les ondesdéchaînées : analyse culturelle des radios libres françaises,
1977-1981, sous la direction de Monique Yaari, thèse de doctorat, The Pennsylvania State
University, décembre 2002 ; LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres, 1977-1981,
INA-Nouveau Monde, Paris, 2008 ; LEFEBVRE Thierry et POULAIN Sebastien (sous la
direction de), Radioslibres,30 ansde FM°: la parole libérée ?, INA/L’Harmattan, collection
« Les médias en actes », Paris, 2016
18 CHARRASSE David, Lorraine Coeur d’Acier, Maspero, Petite Collection (PCM), Paris,
19811
19 BAUDET Bernard, Fréquence Libre ou la difficile construction d’un média indépendant,
mémoire de maîtrise en information-communication, Institut Français de Presse, Université
Paris II Panthéon-Assas, Paris, 1984
20 NAULET Sophie, Radio Libertaire : Etude d’une radio anarchiste,Mémoire de maîtrise,
Informationcommunication, Institut Français de Presse, Université Paris II Panthéon Assas,
Paris, 1990 ; PERRAULT Yves, Radio libertaire, la voix sans maître : 1981-1991, Monde
libertaire, Paris, 1991
21 LEFEBVRE Thierry, Carbone 14 : Légende et histoire d’une radio pas comme les autres,
Ina Éditions, Bry-sur-Marne, 2012
- Est-ce parce que les personnes (animateurs,
journalistes, bénévoles…) qui les animent sont moins faciles à
retrouver pour les interroger ?
- Est-ce parce qu’elles ont une durée de vie moins
longue ?
- Est-ce parce qu’elles ont moins d’audience et d’impact
social, politique et économique sur la société que les autres
radios et les autres médias ?
- Est-ce par dispersion des radios locales sur le territoire
et leur éloignement des centres universitaires ?
- Est-ce lié aux mutations économico-numériques du
paysage médiatique qui excentrent de plus en plus le média
radio du centre de l’attention ?
- Est-ce un désintérêt des organismes de recherche qui
ne créent pas de postes et ne financent pas de poste de
chercheurs et ne proposent pas de financements, obligeant
ainsi les chercheurs à s’intéresser à d’autres objets dans leur
stratégie professionnelle ?
- Est-ce un désintérêt des éditeurs eux-mêmes qui
pensent que ce type de radio ne peuvent intéresser que peu de
personnes ? En effet, la très grande majorité des maisons
d’éditions (mais aussi institutions publiques et entreprises) et la
totalité des radios nationales (et médias nationaux) ont leur
siège à Paris ce qui aboutit à une concentration des acteurs
nationaux et un désintérêt pour les acteurs locaux.
Par ailleurs, cette situation est-elle spécifique à l’histoire et à la
culture de la France qui est un pays très centralisé, comme nous
l’avons dit plus haut ? Les radios locales à l’étranger sont-elles
davantage étudiées ? Si oui, comment l’expliquer ? Est-ce dû à
davantage de décentralisation ? Si oui, comment ces paysages
radiophoniques locaux étrangers font coexister des radios publiques,
associatives et commerciales lorsque ces trois modèles de radio
existent ? Quelles spécificités trouve-t-on à l’étranger ?
On sait que la diversité des radios locales donne des difficultés
aux chercheurs pour les caractériser et les nommer : libres, pirates,
vertes, associatives, non-commerciales, rurales, citoyennes22,
étudiantes, universitaires, populaires, autonomes23, militantes24,
22 RODRIGUEZ Clemencia, Fissures in the Mediascape.An international study ofcitizen’s
media, Hampton Press, Cresskill, 2001
23 DUBOIS Frédéric et LANGLOIS Andrea (sous la direction de), Médias autonomes.
Nourrir la résistance et la dissidence, Lux, Québec, 2007
24 RICAUD Pascal, « Radios communautaires, radios militantes en ligne : nouvelles formes
de participation et de ‘reliances’ radiophoniques ?», in Jean-Jacques Cheval et Bernard
alternatives25, rebelles26, radicales27, clandestines28, communautaires
(« community radios », « radios communitarias »), identitaires,
ethniques, minoritaires, participatives, sociales, de village, de quartier,
de développement, d’immigrés…
L’expression « radio locale » est sans doute plus neutre, mais
encore faut-il savoir ce qu’est une radio « locale ». Est-ce l’échelle
d’un magasin (les boutiques, supermarchés), d’une gare ou d’un
moyen de transport (SNCF), d’un événement (un festival, un salon, un
congrès, un concert…), d’un bâtiment (hôpital, collège, lycée,
université), d’un quartier, d’une ville, d’un département, d’une région ?
Pour continuer à tenter de répondre à ces questions mais
surtout progresser dans la connaissance de ces radios, le Comité
d’Histoire de la Radiodiffusion souhaite dans le numéro 134 se
focaliser les acteurs des radios locales. On peut trouver sur internet
l’appel à contribution qui a été lancé au mois de novembre 2017 pour
intéresser de potentiels auteurs29. A cet appel et ces questions,
auxquelles il était inimaginable de répondre systématiquement et
exhaustivement, nous avons eu une diversité de réponses.
Comme dans le numéro 132, nous observons d’intérêt pour les
radios associatives que pour les radios commerciales locales pourtant
très nombreuses, essentiellement musicales, mais qui diffusent bien
d’autres programmes : agendas culturels, libres antennes, matinales.
Néanmoins Laurent Petitguillaume a fait la plus grande partie de sa
carrière dans le privé par exemple. Jacques Lane rend compte de la
transformation d’une radio associative en une radio commerciale puis
en une antenne locale d’une radio nationale comm.
Ce numéro 134 permet à des textes de chercheurs-
ses/enseignant-e-s/historien-ne-s/archivistes et de professionnelles
de la radio de dialoguer. A noter que certain-e-s auteurs-rices ont
plusieurs statuts. Certains interviennent en tant qu’acteurs et
chercheurs-ses/enseignant-e-s/historien-ne-s. D’autres sont devenus
Wuillème (sous la direction de), La radio au tournant des siècles, Edition de l’Université
Jean Moulin Lyon III, Lyon, 2008
25 ATTON Chris, Alternative media, Routledge, Sage publications, London, Thousands
Oaks, New Delhi, 2002 ; VATIKIOTIS Pantelis, « Communication Theory and Alternative
Media », Westminster Papers in Communication and Culture, University of Westminster,
London, vol. 2(1), 2005
26 WALKER Jesse, Rebelson the Air: An Alternative History of Radio in America, New York
University Press, New York, 2001
27 DOWNING John, Radical Media, South End, Boston, 1984 ; DOWNING John, Radical
Media : Rebellious Communication and Social Movements, Sage, Thousand Oaks, 2001
28 DRAGONI Ugo, Quella radio clandestina nei lager, Edizioni Paoline, Turin, 1986 ;
SOLEY Lawrence C. et NICHOLS John S., Clandestine Radio Broadcasting A Study of
Revolutionary and Counterrevolutionary Electronic Communication, Praeger Publichers,
Westport, 1987
29 POULAIN Sebastien, « Appel à contribution Cahiers d’Histoire de la Radiodiffusion :
« Les acteurs des radios locales » », lesradioslibres.wordpress.com, 13 novembre 2017
historien-ne-s après avoir été professionnels. La plupart des
professionnel-le-s interviennent en tant que témoin.
Alors que les réseaux sociaux numériques, les humaintés
numériques, le big data… sont des sujets d’étude en plein
développement, on observe que des chercheurs-ses continuent de se
lancer dans des études sur ce vieux média qu’est la radio : Céline
Urbaniak, Morgane Govoreanu, Félix Patiès... A propos de nouvelles
générations, on observe aussi de nouvelles générations d’animateurs
et journalistes radios qui éprouvent un besoin de s’exprimer sur leurs
pratiques. Globalement ce numéro 134 comprend des articles
d’auteur-rices de toutes les générations.
Petit bémol à ces bonnes nouvelles, les auteurs de sexe
masculin sont plus de deux fois plus nombreux que les auteurs de
sexe féminin.
Ce numéro 134 est organisé en deux parties selon l’échelle
étudiée. Nous partirons de l’échelle individuelle dans une première
partie (qui sont les personnes qui animent les radios ?). Nous
passerons à l’échelle de la radio dans une deuxième partie (qu’est-ce
qu’une radio locale ?).
PREMIÈRE PARTIE : A l’échelle des individus
Les textes à l’échelle individuelle sont des témoignages de
différents acteurs des radios locales publique et commerciale pour
Laurent Petitguillaume, webradio publique locale pour Catherine
Portaluppi et des radios associatives pour les autres.
Laurent Petitguillaume nous montre l’importance du réseau
interpersonnel dans une carrière radiophonque. S’y mêlent, voire
fusionnent entièrement les liens amicaux et professionnels. C’est un
plaisir personnel et une nécessité professionnelle pour se maintenir à
l’antenne car il y a des échecs (au niveau de l’audience) ou des
déceptions (quand ça se passe mal, quand ça ne plaît pas). Il faut
donc rebondir et savoir s’adapter. Laurent Petitguillaume s’est adapté
à tous les types de média aux modèles de médias associatifs,
commerciaux et publics à la radio ou à la télévision, aux différents
programmes, aux formats musicaux, à l’autorité des chefs, aux
horaires... Cela n’a pas été le cas de son amie Corinne. S’il y a eu
sans doute eu des coïncidences, de la chance, Laurent Petitguillaume
a les qualités relationnelles et la capacité à saisir l’« esprit du temps »
tout en gardant un esprit critique et une hygiène de vie quand certains
se sont brulé des ailes.
Pour que Laurent Petitguillaume puisse trouver sa place sur la
bande FM, il a fallu que les radiolibristes se battent pour faire tomber
le monopole. Et nous avons des témoignanges de certains d’entre
eux.
Alain Léger a interrogé par courriel plusieurs de ses contacts
(Patrick Farbiaz, Patrick Van Troyen, Francis Elzingre, François
Chassaing) à propos de l’expérience radiophonique en leur posant les
mêmes questions :
- Quel fût votre première rencontre avec la radio ?
- Parlez- nous des débuts de la radio, pourquoi créer une
radio ?, avec qui ?
- Expliquez-nous comment s’est terminée cette expérience et
pourquoi ? Y a-t-il eu des enjeux de pouvoir ?
Alain Léger a aussi répondu à ces questions. Au final, de
courts témoignages ont été produits concernant le début de leur vie
jusqu’à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Les personnes qui
témoignent ont pour point commun d’être des hommes, d’être nés
entre 1945 et 1955, d’avoir découvert le média radio tôt dans leur vie,
d’y avoir trouvé un fort attachement, et d’avoir été des
« radiolibristes », et même des fondateurs de « radios libres » :
Patrick Farbiaz, Patrick Van Troyen, Francis Elzingre, François
Chassaing, Alain Léger. Certains (Patrick Farbiaz, François
Chassaing) sont plus politisés que d’autres. On note la fragilité des
radios auxquelles ils ont participé. Les radios naissent et disparaissent
vite. Un fait notable provient du fait que le rapport aux autorités
publiques n’est pas la seule cause de la disparition des radios.
Beaucoup de conflits internes ont pu les causer. Les radios étaient
trop peu institutionnalisées pour qu’elles puissent survivre à la fin des
relations interpersonnelles qui étaient à leur origine.
Un autre acteur des « radios libres » apparait plus tardivement,
quelques mois après et va avoir un rôle pour le développement du
secteur radiophonique alternatif.
Dans l’interview de Claude Palmer, on voit apparaître
l’itinéraire d’un militant de la liberté d’expression de gauche. Issu de la
petite bourgeoisie, il aurait pu devenir un chef d’entreprise dans
l’édition, la photographie ou les médias pour devenir riche. Et c’est ce
qu’il a fait puisqu’il a bien été photographe professionnel, imprimeur,
puis fondateur-dirigeant de radio (Radio Lutèce notamment). Mais il a
mis ses compétences et ses moyens au service de militants, de partis
politiques, d’étrangers, de propositions radiophoniques alternatives…
Les réussites économiques ont donc surtout servi aux combats
sociopolitiques. S’il aime le terrain, c’est-à-dire le journalisme, il a
beaucoup participé aux négociations et lobbying, à la vie sociale et
administrative des radios locales… On voit que diriger une radio -
même à petite échelle - revient à exercer un pouvoir : politique,
économique, social, technique, communicationnel, symbolique. C’est
précieux, cela crée de la jalousie, de la violence, il faut savoir la
défendre.
Claude Palmer a aujourd’hui âgé de 83 ans, mais il a d’ores et
déjà des héritiers radiophoniques. Mais beaucoup d’acteurs des
radios radios locales n’ont pas d’objectifs militants. Ils veulent tout
simplement parler de leur passiontout en étant passionné par le média
radiophonqie. C’est le cas de Jacques Lane.
L’article de Jacques Lane intitulé « Ma Radio » est a déjà été
publié dans La Bouinotte30 où il est chroniqueur. Il y relate son
parcours radiophonique où il est passé d’auditeur à animateur et
fondateur, puis à journaliste et historien. Ce témoignage d’un
passionné retrace en quelques lignes toute l’histoire du média radio
avec ses grandes évolutions (la TSF, le transistor, les ondes courtes,
la FM, radios locales) et montre une caractéristique de la radio : sa
souplesse qui permet de passer de derrière le poste à derrière le
micro, d’acteur de la radio à mémoire de la radio.
Aujoud’hui, il y a des radios locales sont sur internet donc en
quelque sorte internationale et cela permet de créer des radios
publiques locales en dehors du réseau des radios bleues. C’est ce
dont témoigne Catherine Portaluppi.
Le témoignage de Catherine Portaluppi, responsable de la
webradio Radio Agora à Nanterre, est intéressant parcequ’il fait
apparaitre un autre modèle économique. En effet, les collectivités
locales sont très nombreuses à avoir lancé des radios. Les échecs ont
été nombreux, à l’image de Radio Service Tour Eiffel. Beaucoup
d’hommes politique souhaitaient à la fin des années 1970 créer des
radios publiques locales plutôt que de mettre fin au monopole et voir
arriver des radios privées. Les partis politiques et les syndicats ont
aussi voulu intervenir dans l’espace public via des radios, mais
rarement avec succès à long terme. En réalité, les collectivités locales
ont surtout aidé les radios locales associatives à travers des
subventions. Mais l’arrivée du numérique change les cartes car il est
possible de faire une radio avec peu de personnel et peu de moyens
30 LANE Jacques, « Ma Radio », La Bouinotte, n°97, automne 2006, p52-53
techniques sans avoir besoin de produire un contenu inédit en
permanence. En effet, Radio Agora produit en moyenne 15 à 20
émissions neuves chaque mois quand beaucoup de radios le font
chaque jour. Il y a changement de temporalité. La production prend
plus de temps, mais elle pourra être écoutée par la suite pendant plus
longtemps. La production radiophonique est vue ici comme le résultat
d’un travail collectif avec des écoles, des services de la collectivité,
des artistes… qui permet de valoriser et animer des événements, des
invités, des projets… ou développer des compétences de façon
indirecte. Le moyen est presque aussi important que le résultat. Une
philosophie proche de celle de certaines radios locales associatives.
Ce sont bien des personnes (animateurs, journalistes,
techniciens…) qui sont à l’origine des radios qui sont l’ojet de la
deuxième partie.
DEUXIEME PARTIE : A l’échelle des radios
Les articles de cette partie sont des monographies de radios
locales privées qui sont apparues peu après la libéralisation de la FM
(à l’exception des deux radios campus) et qui ont survécu jusqu’à
aujourd’hui avec le statut de radio associative (à l’exception de Radio
Loches Contact qui a été absorbé par RTL2) avec des objectifs
militants (à l’exception de Radio Loches Contact et des radios
campus).
Le texte de Félix Patiès sur Radio Libertaire met tout d’abord
en valeur une qualité du média radio qui intéresse certains anarchistes
en 1977, celle de passer à travers les murs. Ce n’est pas le cas du
média papier qui était utilisé jusque-là par les anarchistes via le
mensuel le CAP, journal des prisonniers par exemple. Après avoir fait
état des origines de Radio Libertaire, Félix Patiès décrit les premiers
pas de cette radio qui émet toujours aujourd’hui, l’organisation de la
première équipe, les difficultés et réussites, la stratégie d’occupation
d’antenne, les besoins et manques en personnel pour gérer une
émission (faut-il recruter des animateurs et organisations en dehors
de la Fédération anarchiste pour pallier aux manques ?), la question
de la liberté d’expression par rapport à la ligne politique de la
Fédération anarchiste (Il est plus difficile de maitriser l’oral en direct
que les articles dans Le Monde libertaire et les autres publications
papier), la coordination des équipes, la question de la
professionnalisation, la grille et la temporalité mises en place (faut-il
un jour de congé ?)…
Dans ce dossier, nous pouvons trouver un autre article traitant
d’une radio libertaire. Il s’agit du texte de Céline Urbaniak sur la
naissance de Radio Zinzine.
Dans son article Céline Urbaniak explique que ce n’est pas la
Fédération Anarchiste qui est derrière Radio Zinzine mais le réseau
Longo maï. Ce dernier veut aussi diffuser ses idées, mais ce qui
semble primer est la volonté de se donner une légitimité (le
mouvement ayant été assimilé à une secte à l’époque) et avoir un
contact plus direct avec la population. Comme Radio Libertaire, Radio
Zinzine attend l’arrivée de Mitterrand au pouvoir pour se lancer : elle
est créée le 3 juin 1981. Dans la mesure où le réseau Longo maï est
international, la radio est elle-même internationale pour la production
mais bien sûr locale pour la diffusion. La passion, le militantisme, la
rotation et l’organisation suffisent à remplir la grille dans les premières
années. Le salariat et l’informatisation feront leur apparition dans les
années 1990, notamment pour éviter de faire les 3*8 heures et pour
pallier aux insuffisances en termes de ressources humaines : il faut
être particulièrement motivé pour se rendre la nuit à la station – une
simple cabane de berger - qui est située au sommet d’une colline –
appelée Zinzine - à environ 800 m des habitations de Limans. Le
studio construit à la place de la cabane à partir de 1983 est plutôt
singulier : il est à la fois illégal et inexpropriable puisque chaque pierre
qui fait ses murs sont la propriété des auditeurs et soutiens. Le but
premier était de constituer une coopérative agricole biologique, mais
on voit que les tâches radiophoniques s’insèrent petit à petit au sein
des autres tâches : « cuisine, vaisselle, ménage, radio » !
Une radio non anarchiste mais tout aussi militante est La Clé
des Ondes fait l’objet d’un article.
Le texte signé par La Clé des Ondes est un témoignage riche
en informations sur la radio La Clé des Ondes. Il donne une idée des
programmes de la radio, de ses nombreux combats, de ses actions,
de sa vitalité, de ses affinités, de ses partenariats, de ses difficultés,
de sa relation avec son territoire… On voit que la radio est traversée
par une histoire diverse du militantisme sur la longue durée. Le texte
montre bien en quoi une radio associative se différencie d’une radio
commerciale ou d’une radio publique, notamment en donnant de
l’espace médiatique à des populations maltraitées, minoritaires,
dominées, stigmatisées, fragiles... C’est un format qui permet
davantage de liberté d’expression à des opinions et des combats
militants, politiques, culturels à la fois locaux, nationaux et
internationaux.
Une autre radio, particulièrement active mais à une plus petite
échelle de territoire, est Radio Pau d’Ousse.
Morgane Govoreanu se donne pour objectif de faire l’histoire
de 30 ans d’une radio - Radio Pau d’Ousse 97fm – à travers 3 vagues
d’acteurs qui ont chacune des spécificités et sont liées à 3 étapes
économiques de cette radio, elles-mêmes liées à l’évolution du média
radio en général. Une radio militante de la débrouille31 et du bénévolat
à destination des communautés (surtout les Portugais), puis une radio
de quartier (Ousse-des-Bois) subventionnée et de salariés32, puis une
radio d’une ville (Pau) qui fait face à des difficultés économiques et
identitaires. La particularité de l’article Morgane Govoreanu est
l’approche à la fois historique et anthropologique (entretiens longs,
observations…) qui permet de la vivre de l’intérieur le fonctionnement
de cette radio (mais toujours économiquement, socialement et
politique contextualisé) grâce à une vision synchronique et
diachronique. L’enquête ouvre en conclusion « de possibles
prolongements » que nous espérons pouvoir suivre bientôt !
Face aux questions liées au modèle économique et d’identité,
d’autres radios associatives ont choisi d’en changer en devenant des
radios commerciales locales ou nationales à l’image de Radio Loches
Contact qui a été absorbé par RTL2.
Comme dans son témoignage personnel dans ce même
numéro, l’article de Jacques Lane sur Radio Loches Contact a déjà
été publié dans La Bouinotte33. Il retrace l’histoire d’une radio qui a été
suivi une voie similaire à beaucoup de radios dans la deuxième partie
des années 1980 et dans les années 1990. D’un côté, il y a les radios
associatives qui ont toutes les difficultés à trouver des financements
et à conserver la motivation des bénévoles. D’un autre, débute la
libéralisation, commercialisation et réticularisation (les réseaux
commerciaux) de la bande FM à partir de 1984. Des cercles vicieux
ont pu en découler : endettement (l’achat de matériel moderne -
émetteur, régie, camion podium, studio, informatique – sont des
évènements importants pour des petites radios), perte de moyens,
31 Radio Pau Rouge de Pau (nom d’origine de Radio Pau d’Ousse) obtient l’émetteur de
Radio Barbe Rouge de Toulouse grâce à l’intermédiaire de la FNRL.
32 RPO 97fm des années 1990-2000 a jusqu’à 8 salariés (contre seulement 1 aujourd’hui), ce
qui a de quoi rendre jalouses un grand nombre de radios - associatives ou commerciales - de
l’époque (et a fortiori d’aujourd’hui !).
33 LANE Jacques, « De Radio Loches Contact à R.T.L. 2 Touraine (1981-1997) », La
Bouinotte, n°60, été 1997, p46-47
perte d’annonceurs, perte d’auditeurs, perte de bénévoles, perte
d’identité, rachat, disparition.
Malgré les difficultés, des radios associatives continuent d’être
crées. Deux autres radios sont arrivées plus tardivement mais
permettent de rajeunir l’animation et l’audience de la bande FM :
Radio Campus Paris et Radio Campus Besançon.
Dans son article sur Radio Campus Paris, Félix Patiès se
focalise sur les acteurs-rices de cette radio après avoir contextualisé
son apparition en retraçant, tout d’abord, l’histoire des radios Campus
de la première en 1969 jusqu’aux radios campus les plus récentes. La
question de la professionnalisation est sans doute un sujet
particulièrement important pour ce type de radio. La période de vie
étudiante est une période de liberté, de créativité où il est possible de
tester, expérimenter…, néanmoins les étudiants sont des futurs
professionnels, ils apprennent un métier, il se professionnalisent et les
radios étudiantes émettent sur la même bande FM que les radios de
professionnels. Félix Patiès montre ce processus de
professionnalisation à travers le parcours de vie des acteurs-rices de
ces radios et leur sociologie. Il en parle aussi à travers les professions
de foi pour le CA donne une idée de l’ambiance existante au sein de
la radio. Le formalisme professionnel de ce genre de document est
une occasion d’être créatif et de montrer une personnalité jeune. Au-
delà des individus, la tension sur le professionnalisme peut être
observée encore à travers la montée en puissance de la
professionnalisation de la radio grâce à la création de postes. Et la
chronologie donne une idée de l’ordre des priorités : chargé de
développement, puis chargé d’antenne, puis chargé de
communication, puis chargé de technique, puis chargé de la rédaction.
Aurélien Bertini puis Martial Greuillet et Claire Millot ont
souhaité aussi participer à ce numéro 134. Pour cela, ils se sont
appuyés sur l’exposition « On my radio » qu’ils ont réalisé à l’occasion
des 20 ans de Radio Campus Besançon. Celle-ci a été inauguré le 25
janvier 2018 à l’espace culturel Le Gymnase où était organisé la 4ème
édition du « ModulationsFestival Sonore » du 25 au 28 janvier 201834.
Dans cet article, on retrouve toutes les étapes de création et du
développement d’une radio associative. C’est une caractéristique des
34 Séverine Equoy-Hutin (Université Franche Comté), Idé Hamani (Université Franche
Comté), Sebastien Poulain (Université Bordeaux Montaigne), Pascal Ricaud (Institut
Universitaire de Technologie de Tours), animé par Aurélien Bertini (animateur de Radio
Campus Besançon), « La radio modernisée », Gymnase, Besançon, 13-15h, 26 janvier 2018,
soundcloud.com/radiocampusbesancon et lesradioslibres.wordpress.com
radios associatives de pouvoir se développer petit à petit pour que
chacun participe aux réflexions, aux décisions, à la mise en place sans
avoir une pression des chiffres (audience, chiffre d’affaires).
L’ensemble des radios locales participe de l’animation d’un
territoire. Ces radios se mettent en réseau. Ce sera l’objet d’une autre
publication.

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_ Les trajectoires radiophoniques _

  • 2. Référence : « Les trajectoires radiophoniques », in Sebastien Poulain (sous la direction de), « Les acteurs des radios locales : à l'échelle des individus et des radios », Cahiers d’histoire de la radiodiffusion, n°134, Janvier - Septembre 2018, https://lesradioslibres.wordpress.com/2019/01/29/sebastien-poulain-les- trajectoires-radiophoniques/
  • 3. No 134 Janvier-Septembre 2018 Les acteurs des radios locales : à l'échelle des individus et des radios Dossier établi par Sébastien Poulain Sebastien Poulain, Les trajectoires radiophoniques PREMIÈRE PARTIE : A l’échelle des individus On s’est connu à l’époque, et puis voilà, on était que ensemble. Entretien de Laurent Petitguillaume, par Sébastien Poulain Patrick Farbiaz, On revient d’Italie avec l’idée de suivre les assemblées générales dans les usines en lutte Patrick Van Troyen, En 1968, j’ai fait l’acquisition d’un émetteur récepteur militaire à lampe Francis Elzingre, Avec des potes on écoutait une radio pirate de la région : Radio Corsaire François Chassaing, Nous avions trouvé un cargo de 85 mètres qui devait battre pavillon espagnol Alain Léger, Je parcourais la France, c’est comme ça que j’ai rencontré de nombreuses radios libres
  • 4. Jacques Lane, Ma radio Claude Palmer, Le terrain, c’est ce qui m’intéressait le plus Catherine Portaluppi, Je voulais travailler en asso ou en collectivité pour être plus au service des habitants DEUXIEME PARTIE : A l’échelle des radios Félix Patiès, Les acteurs de Radio Libertaire de 1978 à 1986 Céline Urbaniak, Faire vivre une radio locale associative, une œuvre collective : l’exemple de Radio Zinzine dans les années 1980 et 1990 La Clé des Ondes, Bordeaux. L’incontournable radio : La Clé des Ondes 90.10 Morgane Govoreanu, Les acteurs de la radio associative paloise R.P.O. 97fm Jacques Lane, De radio Loches Contact à R.T.L. 2 Touraine (1981- 1997) Félix Patiès, Les acteurs des Radio Campus : Le cas de Radio Campus Paris 1998 – 2018 Aurélien Bertini, Martial Greuillet et Claire Millot, On my Radio Présentation des auteurs _______________________________________________ _________ ILS ONT FAIT LARADIO
  • 5. Les trajectoires radiophoniques Sebastien Poulain Il existe une hiérarchie médiatique selon laquelle certains médias sont plus importants que d’autres, et par homologie leurs salariés/journalistes/animateurs/présentateurs/producteurs. Cette hiérarchie, rarement explicitée (comme dans toutes les hiérarchies sociales), est liée à plusieurs critères : - le chiffre d’affaires ou budget, - l’autonomie financière et éditoriale (par rapport à un groupe privé ou aux pouvoirs publics), - les salariés (en quantité ou en qualité), - les programmes (en quantité ou en qualité), - l’audience (en quantité ou en qualité)…, - mais aussi la dimension géographique. La dimension géographique n’est pas à négliger. Le média s’adresse-t-il à une audience internationale ou nationale ou locale ? Plus l’échelle est grande, plus le média monte dans la hiérarchie. Du moins, c’était clairement le cas avant l’arrivée d’internet. Aujourd’hui, tous les médias s’adressent de fait à une audience internationale s’ils diffusent des informations sur internet quel que soit le support : blog, site internet, réseaux sociaux, forums, podcasts, diffusion audio- visuelle… Mais il faut alors distinguer ce qui est de l’ordre du potentiel et ce qui est de l’ordre de l’effectif : tous les médias s’adressent techniquement et potentiellement à une audience internationale, mais peu d’entre eux y parviennent vraiment. Par exemple, la radio d’un collège qui diffuse ses programmes sur internet sera potentiellement écoutable par tous les humains de la planète. Sauf que tous les humains : - n’ont pas accès à internet, - ne parlent pas français, - ne savent pas que ce collège et cette radio existent, - ne sont pas intéressés par les programmes diffusés par cette radio. Finalement, un média local avant sa diffusion sur internet reste en grande partie un média local lorsqu’il commence sa diffusion sur internet.
  • 6. Le critère géographique ne peut pas être isolé des autres critères qui sont en réalité cumulatifs et cohérents. Les médias internationaux ont plus de moyens humains, matériaux, économiques, plus de programmes, plus de d’animateurs prestigieux, plus d’audience que les médias nationaux, et eux-mêmes que les médias locaux. Mais il existe de nombreuses exceptions car : - une entreprise ou une collectivité territoriale peut décider d’investir massivement dans un média local1, - les médias audiovisuels coûtent davantage au niveau de la production que les médias papier, - certains médias locaux sont davantage suivis que des nationaux et internationaux, - certains médias nationaux sont animés par des présentateurs plus prestigieux que des médias internationaux, - certains médias ont beaucoup de moyens humains, matériaux, économique sans pour autant avoir beaucoup d’audience, - certains médias diffusent des programmes en sachant pertinemment qu’ils ne feront pas d’audience… En dehors de ces exceptions qu’il ne faut pas négliger dans une analyse globale, la loi de la hiérarchie médiatique s’applique particulièrement bien en France qui est un pays unitaire, jacobin, centralisé où les sièges sociaux des entreprises (médiatiques, culturelles, économiques) et les institutions politiques se situent à Paris (historiquement dans le 8ème arrondissement pour les radios « périphériques » et la radio publique). Cette hiérarchie s’applique aussi avec des différences selon les modèles économiques entre les médias commerciaux, publics et associatifs. Au sein du groupe France Télévisions, il est plus prestigieux, pour un-e journaliste de travailler à France 2 qu’à France 3 ou d’autres rédactions du groupe, mais il existe des exceptions, des distinctions, des gradations : - tout dépend du métier exercé : un-e présentateur- trice, un-e journaliste rédacteur-trice, un-e rédacteur-trice reporter d’images, un-e monteur-se, un-e rédacteur-trice en 1 Ne parvenant pas à atteindre l’audience souhaitée, la radio soutenue par la Ville de Paris (envisagée dès 1978, lancée le 7 décembre 1981 par Jacques Chirac) a changé plusieurs fois de nom (Radio Service Tour Eiffel, Radio Tour Eiffel, Tour Eiffel, Eiffel 95.2, 95,2 Paris). La société Paris Média propriétaire de cette radio est dissoute en 1999 après un échec de la part de Cofiroute (propriétaire d’Autoroute FM qui diffuse jusqu’aux portes de Paris) pour une reprise. Paris FM, propriété de la Mairie de Paris (40%), de la RATP (15%) et de Vivendi (45%), a un déficit de plus de 18 millions de francs. Radio Paris FM 95.2 cesse d’émettre le 20 janvier 2000.
  • 7. chef, un-e chef-fe de service, un-e grand reporter n’ont pas le même prestige social (au moins en interne), - au sein d’un même média comme France 3 il y a une rédaction nationale et des rédactions régionales, les première étant plus prestigieuses que les secondes, et la première étant un objectif de carrière pour de nombreux journalistes qui doivent passer d’abord par les rédactions locales, - il existe différentes façon de se valoriser quand on est journaliste : durée du reportage, passage en plateau ou non, appartenance à la société des journalistes, sujets traités (les services politiques et affaires étrangères restent plus valorisés du faite de la proximité du pouvoir), les activités journalistiques (l’investigation ou la présentation sont davantage valorisés que les micro-trottoirs), le contrat de travail (stagiaire, pigiste, CDD, CDI), - l’arrivée d’internet a modifié en partie la hiérarchie car il existe aujourd’hui une rédaction spécifique au numérique (avec sa propre ligne éditoriale, sa propre société des journalistes) qui utilise les productions faites pour la télévision et fait ses propres production et qui obtient un certain succès, - l’arrivée de la chaine France Info TV en 2016 a modifié en partie la hiérarchie car cette chaine donne beaucoup plus d’espace d’antenne aux journalistes, ce qui valorise particulièrement les journalistes en question, mais l’audience n’est pas (encore) à la hauteur des espérances (compte-tenu de la concurrence sur le marché de l’information en continue : LCI, BFMTV, C News au niveau national, CNN, BBC, Al Jazeera, i24 news, France 24, RT, Euronews, au niveau international). Le média radio est forcément touché par des phénomènes similaires, et c’est l’objectif de ce numéro que d’y voir plus clair. Mais la hiérarchie médiatique se retrouve aussi par homologie dans la recherche sur la radio. La littérature scientifique ou professionnelle concerne plutôt les radios nationales. D’où les thèses sur RTL2, 2 MARECHAL Denis, Radio-Luxembourg, 1933-1993. Un média au cœur de l’Europe, Presses universitaires de Nancy et Editions Serpenoise, Nancy, 1994
  • 8. France Culture3, France Inter4, RFI5. D’un point de vue des publications des professionnelles, il y a eu des ouvrages publiés lors des anniversaires : France Info6, France Culture7, France Inter8. Mais quid des radios locales publiques du réseau France Bleu, qui est un réseau qui s’est constitué petit-à-petit et qui a donc de nombreux anniversaires ? Il existe aussi des publications monographiques d’historiens de la radio ou encore des autobiographies d’animateurs et journalistes. Mais il s’agit toujours de personnalités vedettes issues de radios nationales et plus globalement de médias nationaux. Il existe des mémoires de fin d’étude (Maitrise, DEA, Master…) sur ce type de radio : Radio Libertaire9, les radios associatives comme espaces publics10 ou l’économie des radios associatives11… Mais il est difficile d’en rendre compte car ceux-ci font rarement l’objet d’une publication. Et les étudiants sont peu nombreux à se lancer dans une thèse après leur mémoire (compte tenu de l’ampleur du travail et de l’absence de financement), même si on peut signaler quelques exceptions : - l’étude des radios du département de la Gironde12, - l’étude des radios locales à la frontière basques et catalanes13, 3 GLEVAREC Hervé, France Culture à l’œuvre. Dynamique des professions et mise en forme radiophonique, CNRS Editions, 2001 4 DONZELLE Béatrice, Le Journal Parlé de France Inter dans les années 1960.Journalisme de service public et propagande en démocratie, sous la direction de Christian Delporte, Université Versailles Saint Quentin-en-Yvelines, Saint Quentin-en-Yvelines, 2013 5 NOUMA Roger, Radio France Internationale : instrument de la présence française dans le monde, sous la direction de Christian Wallon Leducq, Université Lille 2, 1990 6 David B., FERRANDEZ Jacques et RABATE Pascal, Le jour où...: 1987-2007 : France Info, 20 ans d'actualité, Futuropolis, 2007 7 AUTISSIER Anne-Marie et LAURENTIN Emmanuel, 50 ans de France Culture, Flammarion, Paris, 2013 8 GUSTAVE Anne Marie et PERONNET Valérie, La saga de France Inter : Amour, grèves et beautés, 50 ans de radio, ed Pygmalion, 2013 9 PATIÈS Félix, Radio libertaire, l'organisation d'une radio anarchiste, 1978-1986, Mémoire de master 2 de recherche menée sous la direction de Pascal Ory, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle, 2012 10 LEAL Sayonara, Les radios associatives en France : des espaces publics d’expression et de reconnaissance des différences socioculturelles ?, mémoire du master 2 de sociologie – mention changement social, Université de Lille, Lille, 2004/2005 11 FENJIRO Nassim, « Pour une radio associative aussi,l’argent est-il le "nerf de la guerre" ? L’exemple de la radio girondine R.I.G. », sous la direction d’Hélène Arzeno, DUT Communication des Organisations,option Plurimédias, Pôle Information Communication de l’INFOREC, Université Bordeaux 3 Michel de Montaigne, Bordeaux, septembre 2007 12 CHEVAL Jean-Jacques, Les Radios locales privées en Gironde, thèse de doctorat en information communication, Université Bordeaux III Michel de Montaigne, Bordeaux, 1986 13 RICAUD Pascal, Médias et territorialités aux frontières (avec les exemples basque et catalan), thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, sous la direction d’André Vitalis, UFR SICA, Université Bordeaux 3 Michel de Montaigne,Talence, juillet 2000
  • 9. - l’étude des radios des départements français d’Amérique14, - l’étude de l’histoire de Lorraine Cœur d’Acier15, - l’étude de la radio associative Ici et Maintenant16. Certaines radios locales ont fait l’objet de recherches de la part de chercheurs au moment où elles étaient en action et plus récemment : les fameuses « radios libres ». On peut l’expliquer par le fait qu’elles avaient, du moins certaines d’entre elles, des objectifs politiques puisqu’elles voulaient faire tomber un monopole national17. Compte tenu de leur durée de vie et de leur nombre, elles ont été étudiées comme un mouvement menant une « bataille ». Mais il existe aussi quelques monographies sur des radios locales (mais plutôt des radios connues du monde la radio et situées à Paris) : Lorraine Cœur d’Acier18, Fréquence Libre19, Radio Libertaire20, Carbone 1421. Peut-on parler d’un désintérêt des auteurs pour les radios locales ? Si oui, on peut faire plusieurs hypothèses sur la raison : - Est-ce parce que les archives de ces radios sont moins nombreuses ? - Est-ce parce que nous avons un manque de recule historique (alors même que Claude Collin publiait deux ouvrages sur les « radios libres » quand celles-ci étaient actives) ? 14 ANTIOPE Nathalie, Radio infranationale et discursivité identitaire en milieu insulaire : des représentations sociales aux ethnodiscours médiatiques. Le cas des Départements français d’Amérique, sous la direction de Guy Lochard et Bruno Ollivier, Université Paris III Sorbonne Nouvelle, Paris, 2008 15 HAYES Ingrid, Radio Lorraine Coeur d’Acier, Longwy, 1979-1980 :les voix de la crise : émancipations et dominations en milieu ouvrier, sous la direction de Michel Pigenet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2011 16 POULAIN Sebastien, Les radios alternatives.L’exemple de Radio Ici et Maintenant,sous la direction de Jean-Jacques Cheval, Université Bordeaux Montaigne, Bordeaux, 2015 17 DALLE Matthieu, Les ondesdéchaînées : analyse culturelle des radios libres françaises, 1977-1981, sous la direction de Monique Yaari, thèse de doctorat, The Pennsylvania State University, décembre 2002 ; LEFEBVRE Thierry, La bataille des radios libres, 1977-1981, INA-Nouveau Monde, Paris, 2008 ; LEFEBVRE Thierry et POULAIN Sebastien (sous la direction de), Radioslibres,30 ansde FM°: la parole libérée ?, INA/L’Harmattan, collection « Les médias en actes », Paris, 2016 18 CHARRASSE David, Lorraine Coeur d’Acier, Maspero, Petite Collection (PCM), Paris, 19811 19 BAUDET Bernard, Fréquence Libre ou la difficile construction d’un média indépendant, mémoire de maîtrise en information-communication, Institut Français de Presse, Université Paris II Panthéon-Assas, Paris, 1984 20 NAULET Sophie, Radio Libertaire : Etude d’une radio anarchiste,Mémoire de maîtrise, Informationcommunication, Institut Français de Presse, Université Paris II Panthéon Assas, Paris, 1990 ; PERRAULT Yves, Radio libertaire, la voix sans maître : 1981-1991, Monde libertaire, Paris, 1991 21 LEFEBVRE Thierry, Carbone 14 : Légende et histoire d’une radio pas comme les autres, Ina Éditions, Bry-sur-Marne, 2012
  • 10. - Est-ce parce que les personnes (animateurs, journalistes, bénévoles…) qui les animent sont moins faciles à retrouver pour les interroger ? - Est-ce parce qu’elles ont une durée de vie moins longue ? - Est-ce parce qu’elles ont moins d’audience et d’impact social, politique et économique sur la société que les autres radios et les autres médias ? - Est-ce par dispersion des radios locales sur le territoire et leur éloignement des centres universitaires ? - Est-ce lié aux mutations économico-numériques du paysage médiatique qui excentrent de plus en plus le média radio du centre de l’attention ? - Est-ce un désintérêt des organismes de recherche qui ne créent pas de postes et ne financent pas de poste de chercheurs et ne proposent pas de financements, obligeant ainsi les chercheurs à s’intéresser à d’autres objets dans leur stratégie professionnelle ? - Est-ce un désintérêt des éditeurs eux-mêmes qui pensent que ce type de radio ne peuvent intéresser que peu de personnes ? En effet, la très grande majorité des maisons d’éditions (mais aussi institutions publiques et entreprises) et la totalité des radios nationales (et médias nationaux) ont leur siège à Paris ce qui aboutit à une concentration des acteurs nationaux et un désintérêt pour les acteurs locaux. Par ailleurs, cette situation est-elle spécifique à l’histoire et à la culture de la France qui est un pays très centralisé, comme nous l’avons dit plus haut ? Les radios locales à l’étranger sont-elles davantage étudiées ? Si oui, comment l’expliquer ? Est-ce dû à davantage de décentralisation ? Si oui, comment ces paysages radiophoniques locaux étrangers font coexister des radios publiques, associatives et commerciales lorsque ces trois modèles de radio existent ? Quelles spécificités trouve-t-on à l’étranger ? On sait que la diversité des radios locales donne des difficultés aux chercheurs pour les caractériser et les nommer : libres, pirates, vertes, associatives, non-commerciales, rurales, citoyennes22, étudiantes, universitaires, populaires, autonomes23, militantes24, 22 RODRIGUEZ Clemencia, Fissures in the Mediascape.An international study ofcitizen’s media, Hampton Press, Cresskill, 2001 23 DUBOIS Frédéric et LANGLOIS Andrea (sous la direction de), Médias autonomes. Nourrir la résistance et la dissidence, Lux, Québec, 2007 24 RICAUD Pascal, « Radios communautaires, radios militantes en ligne : nouvelles formes de participation et de ‘reliances’ radiophoniques ?», in Jean-Jacques Cheval et Bernard
  • 11. alternatives25, rebelles26, radicales27, clandestines28, communautaires (« community radios », « radios communitarias »), identitaires, ethniques, minoritaires, participatives, sociales, de village, de quartier, de développement, d’immigrés… L’expression « radio locale » est sans doute plus neutre, mais encore faut-il savoir ce qu’est une radio « locale ». Est-ce l’échelle d’un magasin (les boutiques, supermarchés), d’une gare ou d’un moyen de transport (SNCF), d’un événement (un festival, un salon, un congrès, un concert…), d’un bâtiment (hôpital, collège, lycée, université), d’un quartier, d’une ville, d’un département, d’une région ? Pour continuer à tenter de répondre à ces questions mais surtout progresser dans la connaissance de ces radios, le Comité d’Histoire de la Radiodiffusion souhaite dans le numéro 134 se focaliser les acteurs des radios locales. On peut trouver sur internet l’appel à contribution qui a été lancé au mois de novembre 2017 pour intéresser de potentiels auteurs29. A cet appel et ces questions, auxquelles il était inimaginable de répondre systématiquement et exhaustivement, nous avons eu une diversité de réponses. Comme dans le numéro 132, nous observons d’intérêt pour les radios associatives que pour les radios commerciales locales pourtant très nombreuses, essentiellement musicales, mais qui diffusent bien d’autres programmes : agendas culturels, libres antennes, matinales. Néanmoins Laurent Petitguillaume a fait la plus grande partie de sa carrière dans le privé par exemple. Jacques Lane rend compte de la transformation d’une radio associative en une radio commerciale puis en une antenne locale d’une radio nationale comm. Ce numéro 134 permet à des textes de chercheurs- ses/enseignant-e-s/historien-ne-s/archivistes et de professionnelles de la radio de dialoguer. A noter que certain-e-s auteurs-rices ont plusieurs statuts. Certains interviennent en tant qu’acteurs et chercheurs-ses/enseignant-e-s/historien-ne-s. D’autres sont devenus Wuillème (sous la direction de), La radio au tournant des siècles, Edition de l’Université Jean Moulin Lyon III, Lyon, 2008 25 ATTON Chris, Alternative media, Routledge, Sage publications, London, Thousands Oaks, New Delhi, 2002 ; VATIKIOTIS Pantelis, « Communication Theory and Alternative Media », Westminster Papers in Communication and Culture, University of Westminster, London, vol. 2(1), 2005 26 WALKER Jesse, Rebelson the Air: An Alternative History of Radio in America, New York University Press, New York, 2001 27 DOWNING John, Radical Media, South End, Boston, 1984 ; DOWNING John, Radical Media : Rebellious Communication and Social Movements, Sage, Thousand Oaks, 2001 28 DRAGONI Ugo, Quella radio clandestina nei lager, Edizioni Paoline, Turin, 1986 ; SOLEY Lawrence C. et NICHOLS John S., Clandestine Radio Broadcasting A Study of Revolutionary and Counterrevolutionary Electronic Communication, Praeger Publichers, Westport, 1987 29 POULAIN Sebastien, « Appel à contribution Cahiers d’Histoire de la Radiodiffusion : « Les acteurs des radios locales » », lesradioslibres.wordpress.com, 13 novembre 2017
  • 12. historien-ne-s après avoir été professionnels. La plupart des professionnel-le-s interviennent en tant que témoin. Alors que les réseaux sociaux numériques, les humaintés numériques, le big data… sont des sujets d’étude en plein développement, on observe que des chercheurs-ses continuent de se lancer dans des études sur ce vieux média qu’est la radio : Céline Urbaniak, Morgane Govoreanu, Félix Patiès... A propos de nouvelles générations, on observe aussi de nouvelles générations d’animateurs et journalistes radios qui éprouvent un besoin de s’exprimer sur leurs pratiques. Globalement ce numéro 134 comprend des articles d’auteur-rices de toutes les générations. Petit bémol à ces bonnes nouvelles, les auteurs de sexe masculin sont plus de deux fois plus nombreux que les auteurs de sexe féminin. Ce numéro 134 est organisé en deux parties selon l’échelle étudiée. Nous partirons de l’échelle individuelle dans une première partie (qui sont les personnes qui animent les radios ?). Nous passerons à l’échelle de la radio dans une deuxième partie (qu’est-ce qu’une radio locale ?). PREMIÈRE PARTIE : A l’échelle des individus Les textes à l’échelle individuelle sont des témoignages de différents acteurs des radios locales publique et commerciale pour Laurent Petitguillaume, webradio publique locale pour Catherine Portaluppi et des radios associatives pour les autres. Laurent Petitguillaume nous montre l’importance du réseau interpersonnel dans une carrière radiophonque. S’y mêlent, voire fusionnent entièrement les liens amicaux et professionnels. C’est un plaisir personnel et une nécessité professionnelle pour se maintenir à l’antenne car il y a des échecs (au niveau de l’audience) ou des déceptions (quand ça se passe mal, quand ça ne plaît pas). Il faut donc rebondir et savoir s’adapter. Laurent Petitguillaume s’est adapté à tous les types de média aux modèles de médias associatifs, commerciaux et publics à la radio ou à la télévision, aux différents programmes, aux formats musicaux, à l’autorité des chefs, aux horaires... Cela n’a pas été le cas de son amie Corinne. S’il y a eu sans doute eu des coïncidences, de la chance, Laurent Petitguillaume a les qualités relationnelles et la capacité à saisir l’« esprit du temps » tout en gardant un esprit critique et une hygiène de vie quand certains se sont brulé des ailes.
  • 13. Pour que Laurent Petitguillaume puisse trouver sa place sur la bande FM, il a fallu que les radiolibristes se battent pour faire tomber le monopole. Et nous avons des témoignanges de certains d’entre eux. Alain Léger a interrogé par courriel plusieurs de ses contacts (Patrick Farbiaz, Patrick Van Troyen, Francis Elzingre, François Chassaing) à propos de l’expérience radiophonique en leur posant les mêmes questions : - Quel fût votre première rencontre avec la radio ? - Parlez- nous des débuts de la radio, pourquoi créer une radio ?, avec qui ? - Expliquez-nous comment s’est terminée cette expérience et pourquoi ? Y a-t-il eu des enjeux de pouvoir ? Alain Léger a aussi répondu à ces questions. Au final, de courts témoignages ont été produits concernant le début de leur vie jusqu’à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Les personnes qui témoignent ont pour point commun d’être des hommes, d’être nés entre 1945 et 1955, d’avoir découvert le média radio tôt dans leur vie, d’y avoir trouvé un fort attachement, et d’avoir été des « radiolibristes », et même des fondateurs de « radios libres » : Patrick Farbiaz, Patrick Van Troyen, Francis Elzingre, François Chassaing, Alain Léger. Certains (Patrick Farbiaz, François Chassaing) sont plus politisés que d’autres. On note la fragilité des radios auxquelles ils ont participé. Les radios naissent et disparaissent vite. Un fait notable provient du fait que le rapport aux autorités publiques n’est pas la seule cause de la disparition des radios. Beaucoup de conflits internes ont pu les causer. Les radios étaient trop peu institutionnalisées pour qu’elles puissent survivre à la fin des relations interpersonnelles qui étaient à leur origine. Un autre acteur des « radios libres » apparait plus tardivement, quelques mois après et va avoir un rôle pour le développement du secteur radiophonique alternatif. Dans l’interview de Claude Palmer, on voit apparaître l’itinéraire d’un militant de la liberté d’expression de gauche. Issu de la petite bourgeoisie, il aurait pu devenir un chef d’entreprise dans l’édition, la photographie ou les médias pour devenir riche. Et c’est ce qu’il a fait puisqu’il a bien été photographe professionnel, imprimeur, puis fondateur-dirigeant de radio (Radio Lutèce notamment). Mais il a mis ses compétences et ses moyens au service de militants, de partis politiques, d’étrangers, de propositions radiophoniques alternatives… Les réussites économiques ont donc surtout servi aux combats
  • 14. sociopolitiques. S’il aime le terrain, c’est-à-dire le journalisme, il a beaucoup participé aux négociations et lobbying, à la vie sociale et administrative des radios locales… On voit que diriger une radio - même à petite échelle - revient à exercer un pouvoir : politique, économique, social, technique, communicationnel, symbolique. C’est précieux, cela crée de la jalousie, de la violence, il faut savoir la défendre. Claude Palmer a aujourd’hui âgé de 83 ans, mais il a d’ores et déjà des héritiers radiophoniques. Mais beaucoup d’acteurs des radios radios locales n’ont pas d’objectifs militants. Ils veulent tout simplement parler de leur passiontout en étant passionné par le média radiophonqie. C’est le cas de Jacques Lane. L’article de Jacques Lane intitulé « Ma Radio » est a déjà été publié dans La Bouinotte30 où il est chroniqueur. Il y relate son parcours radiophonique où il est passé d’auditeur à animateur et fondateur, puis à journaliste et historien. Ce témoignage d’un passionné retrace en quelques lignes toute l’histoire du média radio avec ses grandes évolutions (la TSF, le transistor, les ondes courtes, la FM, radios locales) et montre une caractéristique de la radio : sa souplesse qui permet de passer de derrière le poste à derrière le micro, d’acteur de la radio à mémoire de la radio. Aujoud’hui, il y a des radios locales sont sur internet donc en quelque sorte internationale et cela permet de créer des radios publiques locales en dehors du réseau des radios bleues. C’est ce dont témoigne Catherine Portaluppi. Le témoignage de Catherine Portaluppi, responsable de la webradio Radio Agora à Nanterre, est intéressant parcequ’il fait apparaitre un autre modèle économique. En effet, les collectivités locales sont très nombreuses à avoir lancé des radios. Les échecs ont été nombreux, à l’image de Radio Service Tour Eiffel. Beaucoup d’hommes politique souhaitaient à la fin des années 1970 créer des radios publiques locales plutôt que de mettre fin au monopole et voir arriver des radios privées. Les partis politiques et les syndicats ont aussi voulu intervenir dans l’espace public via des radios, mais rarement avec succès à long terme. En réalité, les collectivités locales ont surtout aidé les radios locales associatives à travers des subventions. Mais l’arrivée du numérique change les cartes car il est possible de faire une radio avec peu de personnel et peu de moyens 30 LANE Jacques, « Ma Radio », La Bouinotte, n°97, automne 2006, p52-53
  • 15. techniques sans avoir besoin de produire un contenu inédit en permanence. En effet, Radio Agora produit en moyenne 15 à 20 émissions neuves chaque mois quand beaucoup de radios le font chaque jour. Il y a changement de temporalité. La production prend plus de temps, mais elle pourra être écoutée par la suite pendant plus longtemps. La production radiophonique est vue ici comme le résultat d’un travail collectif avec des écoles, des services de la collectivité, des artistes… qui permet de valoriser et animer des événements, des invités, des projets… ou développer des compétences de façon indirecte. Le moyen est presque aussi important que le résultat. Une philosophie proche de celle de certaines radios locales associatives. Ce sont bien des personnes (animateurs, journalistes, techniciens…) qui sont à l’origine des radios qui sont l’ojet de la deuxième partie. DEUXIEME PARTIE : A l’échelle des radios Les articles de cette partie sont des monographies de radios locales privées qui sont apparues peu après la libéralisation de la FM (à l’exception des deux radios campus) et qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui avec le statut de radio associative (à l’exception de Radio Loches Contact qui a été absorbé par RTL2) avec des objectifs militants (à l’exception de Radio Loches Contact et des radios campus). Le texte de Félix Patiès sur Radio Libertaire met tout d’abord en valeur une qualité du média radio qui intéresse certains anarchistes en 1977, celle de passer à travers les murs. Ce n’est pas le cas du média papier qui était utilisé jusque-là par les anarchistes via le mensuel le CAP, journal des prisonniers par exemple. Après avoir fait état des origines de Radio Libertaire, Félix Patiès décrit les premiers pas de cette radio qui émet toujours aujourd’hui, l’organisation de la première équipe, les difficultés et réussites, la stratégie d’occupation d’antenne, les besoins et manques en personnel pour gérer une émission (faut-il recruter des animateurs et organisations en dehors de la Fédération anarchiste pour pallier aux manques ?), la question de la liberté d’expression par rapport à la ligne politique de la Fédération anarchiste (Il est plus difficile de maitriser l’oral en direct que les articles dans Le Monde libertaire et les autres publications papier), la coordination des équipes, la question de la professionnalisation, la grille et la temporalité mises en place (faut-il un jour de congé ?)…
  • 16. Dans ce dossier, nous pouvons trouver un autre article traitant d’une radio libertaire. Il s’agit du texte de Céline Urbaniak sur la naissance de Radio Zinzine. Dans son article Céline Urbaniak explique que ce n’est pas la Fédération Anarchiste qui est derrière Radio Zinzine mais le réseau Longo maï. Ce dernier veut aussi diffuser ses idées, mais ce qui semble primer est la volonté de se donner une légitimité (le mouvement ayant été assimilé à une secte à l’époque) et avoir un contact plus direct avec la population. Comme Radio Libertaire, Radio Zinzine attend l’arrivée de Mitterrand au pouvoir pour se lancer : elle est créée le 3 juin 1981. Dans la mesure où le réseau Longo maï est international, la radio est elle-même internationale pour la production mais bien sûr locale pour la diffusion. La passion, le militantisme, la rotation et l’organisation suffisent à remplir la grille dans les premières années. Le salariat et l’informatisation feront leur apparition dans les années 1990, notamment pour éviter de faire les 3*8 heures et pour pallier aux insuffisances en termes de ressources humaines : il faut être particulièrement motivé pour se rendre la nuit à la station – une simple cabane de berger - qui est située au sommet d’une colline – appelée Zinzine - à environ 800 m des habitations de Limans. Le studio construit à la place de la cabane à partir de 1983 est plutôt singulier : il est à la fois illégal et inexpropriable puisque chaque pierre qui fait ses murs sont la propriété des auditeurs et soutiens. Le but premier était de constituer une coopérative agricole biologique, mais on voit que les tâches radiophoniques s’insèrent petit à petit au sein des autres tâches : « cuisine, vaisselle, ménage, radio » ! Une radio non anarchiste mais tout aussi militante est La Clé des Ondes fait l’objet d’un article. Le texte signé par La Clé des Ondes est un témoignage riche en informations sur la radio La Clé des Ondes. Il donne une idée des programmes de la radio, de ses nombreux combats, de ses actions, de sa vitalité, de ses affinités, de ses partenariats, de ses difficultés, de sa relation avec son territoire… On voit que la radio est traversée par une histoire diverse du militantisme sur la longue durée. Le texte montre bien en quoi une radio associative se différencie d’une radio commerciale ou d’une radio publique, notamment en donnant de l’espace médiatique à des populations maltraitées, minoritaires, dominées, stigmatisées, fragiles... C’est un format qui permet davantage de liberté d’expression à des opinions et des combats militants, politiques, culturels à la fois locaux, nationaux et internationaux.
  • 17. Une autre radio, particulièrement active mais à une plus petite échelle de territoire, est Radio Pau d’Ousse. Morgane Govoreanu se donne pour objectif de faire l’histoire de 30 ans d’une radio - Radio Pau d’Ousse 97fm – à travers 3 vagues d’acteurs qui ont chacune des spécificités et sont liées à 3 étapes économiques de cette radio, elles-mêmes liées à l’évolution du média radio en général. Une radio militante de la débrouille31 et du bénévolat à destination des communautés (surtout les Portugais), puis une radio de quartier (Ousse-des-Bois) subventionnée et de salariés32, puis une radio d’une ville (Pau) qui fait face à des difficultés économiques et identitaires. La particularité de l’article Morgane Govoreanu est l’approche à la fois historique et anthropologique (entretiens longs, observations…) qui permet de la vivre de l’intérieur le fonctionnement de cette radio (mais toujours économiquement, socialement et politique contextualisé) grâce à une vision synchronique et diachronique. L’enquête ouvre en conclusion « de possibles prolongements » que nous espérons pouvoir suivre bientôt ! Face aux questions liées au modèle économique et d’identité, d’autres radios associatives ont choisi d’en changer en devenant des radios commerciales locales ou nationales à l’image de Radio Loches Contact qui a été absorbé par RTL2. Comme dans son témoignage personnel dans ce même numéro, l’article de Jacques Lane sur Radio Loches Contact a déjà été publié dans La Bouinotte33. Il retrace l’histoire d’une radio qui a été suivi une voie similaire à beaucoup de radios dans la deuxième partie des années 1980 et dans les années 1990. D’un côté, il y a les radios associatives qui ont toutes les difficultés à trouver des financements et à conserver la motivation des bénévoles. D’un autre, débute la libéralisation, commercialisation et réticularisation (les réseaux commerciaux) de la bande FM à partir de 1984. Des cercles vicieux ont pu en découler : endettement (l’achat de matériel moderne - émetteur, régie, camion podium, studio, informatique – sont des évènements importants pour des petites radios), perte de moyens, 31 Radio Pau Rouge de Pau (nom d’origine de Radio Pau d’Ousse) obtient l’émetteur de Radio Barbe Rouge de Toulouse grâce à l’intermédiaire de la FNRL. 32 RPO 97fm des années 1990-2000 a jusqu’à 8 salariés (contre seulement 1 aujourd’hui), ce qui a de quoi rendre jalouses un grand nombre de radios - associatives ou commerciales - de l’époque (et a fortiori d’aujourd’hui !). 33 LANE Jacques, « De Radio Loches Contact à R.T.L. 2 Touraine (1981-1997) », La Bouinotte, n°60, été 1997, p46-47
  • 18. perte d’annonceurs, perte d’auditeurs, perte de bénévoles, perte d’identité, rachat, disparition. Malgré les difficultés, des radios associatives continuent d’être crées. Deux autres radios sont arrivées plus tardivement mais permettent de rajeunir l’animation et l’audience de la bande FM : Radio Campus Paris et Radio Campus Besançon. Dans son article sur Radio Campus Paris, Félix Patiès se focalise sur les acteurs-rices de cette radio après avoir contextualisé son apparition en retraçant, tout d’abord, l’histoire des radios Campus de la première en 1969 jusqu’aux radios campus les plus récentes. La question de la professionnalisation est sans doute un sujet particulièrement important pour ce type de radio. La période de vie étudiante est une période de liberté, de créativité où il est possible de tester, expérimenter…, néanmoins les étudiants sont des futurs professionnels, ils apprennent un métier, il se professionnalisent et les radios étudiantes émettent sur la même bande FM que les radios de professionnels. Félix Patiès montre ce processus de professionnalisation à travers le parcours de vie des acteurs-rices de ces radios et leur sociologie. Il en parle aussi à travers les professions de foi pour le CA donne une idée de l’ambiance existante au sein de la radio. Le formalisme professionnel de ce genre de document est une occasion d’être créatif et de montrer une personnalité jeune. Au- delà des individus, la tension sur le professionnalisme peut être observée encore à travers la montée en puissance de la professionnalisation de la radio grâce à la création de postes. Et la chronologie donne une idée de l’ordre des priorités : chargé de développement, puis chargé d’antenne, puis chargé de communication, puis chargé de technique, puis chargé de la rédaction. Aurélien Bertini puis Martial Greuillet et Claire Millot ont souhaité aussi participer à ce numéro 134. Pour cela, ils se sont appuyés sur l’exposition « On my radio » qu’ils ont réalisé à l’occasion des 20 ans de Radio Campus Besançon. Celle-ci a été inauguré le 25 janvier 2018 à l’espace culturel Le Gymnase où était organisé la 4ème édition du « ModulationsFestival Sonore » du 25 au 28 janvier 201834. Dans cet article, on retrouve toutes les étapes de création et du développement d’une radio associative. C’est une caractéristique des 34 Séverine Equoy-Hutin (Université Franche Comté), Idé Hamani (Université Franche Comté), Sebastien Poulain (Université Bordeaux Montaigne), Pascal Ricaud (Institut Universitaire de Technologie de Tours), animé par Aurélien Bertini (animateur de Radio Campus Besançon), « La radio modernisée », Gymnase, Besançon, 13-15h, 26 janvier 2018, soundcloud.com/radiocampusbesancon et lesradioslibres.wordpress.com
  • 19. radios associatives de pouvoir se développer petit à petit pour que chacun participe aux réflexions, aux décisions, à la mise en place sans avoir une pression des chiffres (audience, chiffre d’affaires). L’ensemble des radios locales participe de l’animation d’un territoire. Ces radios se mettent en réseau. Ce sera l’objet d’une autre publication.