Nos générations des 80 dernières années ont vécu des moments importants.v26082021 (1)
1. Le Grand Sud, debout et en avant
Les générations haïtiennes des 80 dernières années ont vécu des moments forts en émotion, certains porteurs
de joie et d’autres ont un goût d’amertume. Les deux séismes de janvier 2010 et d’aout 2021, respectivement
de magnitude 7.1 et 7.2 sur l’échelle de Richter, sont parmi ceux qui apportent la peine par les nombreux
dégâts et pertes qu’ils ont causés. Il en est de même pour d’autres cas vécus durant cet intervalle, dont entre
autres l’épidémie de choléra, l’ouragan Matthew, l’épisode de pays verrouillé, la pandémie du COVID-19,
l’insécurité, l’assassinat d’un président au pouvoir, etc.
La presqu’île du sud regroupant trois départements (Sud, Nippes et Grand-
Anse) est la portion du territoire national la plus touchée par le séisme du 14
aout, alors qu’elle n’est pas encore sortie des chocs de Matthew et qu’elle
subit les effets pervers de l’insécurité qui règne à Martissant. Le bilan partiel
humain de la Protection Civile, au 24 aout 2021, pour ces départements est de
2207 morts, 320 personnes disparues et 12 268 blessés.
Malgré une amplitude supérieure à celle de 2010, les pertes en vies humaines et en maisons détruites ou
endommagées seraient moindres. Certains facteurs l’expliquent : le jour (un samedi), l’heure (8 :30 AM), et les
zones impactées où l’occupation humaine et les maisons résidentielles sont moins denses comparativement à
la région métropolitaine de Port-au-Prince. Les petites communes (par exemple, Asile, Maniche, Camp Perrin,
Pestel, Corail, etc.) sont en fait plus touchées en milieu rural et urbain que les deux grandes villes régionales
(Les Cayes et Jérémie). C’est la vie forcée au dehors. Les infrastructures sociales sont très affectées,
notamment la route nationale N2, de Marseline (Camp Perrin, Sud) à Dichity dans la Grand-Anse.
Le secours se mobilise, du côté de l’état et des institutions d’aide. Des promesses sont sur la table et dans les
discours. Mais, après 12 jours, la population attend avec impatience le secours, étant presque chaque jour
sous la pluie et des répliques les unes plus importantes que les autres. Selon des scientifiques présents en
Haïti, au moins 600 répliques ont été enregistrées dans la région depuis le 14 août 2021 (Rapport #9, du 24
août 2021). Entre-temps, la population construit des tentes de fortune et les étale sur la route de l’aide. Les
langues acides et vigilantes commencent à se délier pour dénoncer la lenteur et pour conseiller, en vue de ne
pas refaire les erreurs de 2010. Certains perdent confiance en la capacité de l’état central. Ils croient
davantage dans les organisations de la société civile, dont certaines ont l’habitude de les aider.
S’il est vrai que l’état doit se montrer à la hauteur et vigilant tant pour apporter l’aide d’urgence que pour
orienter et contrôler les actions des autres acteurs, n’est-ce pas maintenant aussi qu’il faut poser les jalons de
la reconstruction du Grand Sud dans une perspective de développement durable et d’engagement citoyen à
travers des investissements intelligents. Le double contexte post-séisme et post-cyclonique constitue le bon
timing pour un virage vers la décentralisation et la structuration d’un pôle régional, dans une Haïti une et
indivisible. Le Grand Sud a besoin d’un leadership visionnaire capable de mobiliser les citoyens autour des défis
et d’en faire une opportunité de transformation sociétale, en mettant en valeur ses potentiels.
1986, 2010 et 2016 ont montré que le peuple est prêt pour une aventure régionale, moyennant la possibilité
pour chacun d’avoir accès aux services nécessaires et de changer sa situation sociale et économique. Faisons
un grand faisceau pour penser et planifier ce développement, et pour sortir définitivement le Grand Sud de sa
dépendance, tout en construisant sa résilience vis-à-vis des phénomènes naturels extrêmes. Aussi faut-il
concilier les urgences et le long terme, poser les bonnes questions et trouver les bonnes réponses, et tenir
compte des grands impératifs mondiaux communs. Autant dire : « Penser globalement et agir localement ».
Abner Septembre
Sociologue @Vallue, 27 aout 2021