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Torreton philippe lettre ouverte à melenchon jean luc obs 24 septembre 2017
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Torreton à
Mélenchon : "On ne
construit pas l'avenir
sur un déni de
réalité"
Jean-Luc Mélenchon à la tribune en juin 2017 (Claude Paris/AP/SIPA)
Une lettre ouverte du comédien au leader
de la France insoumise.
2. L'ObsPublié le 23 septembre 2017 à 07h52
Cher Jean Luc Mélenchon,
Vous avez perdu les deux dernières élections majeures
de ce pays. Les règles du jeu vous étaient connues : les
modes de scrutin, la constitution... Instruit et passionné
d'histoire et de politique comme vous l'êtes, je doute
qu'un aspect, même mineur, relatif aux procédures
électorales ait pu vous échapper. Votre tactique, vos
choix stratégiques étaient donc établis et approuvés en
parfaite connaissance de cause.
Ceci étant posé, il me paraît alors évident que ces deux
échecs sont les vôtres et uniquement les vôtres. Inutile
d'invoquer l'altitude, le vent et la nature du
terrain, Benoît Hamon ne serait en aucun cas
actuellement votre Premier ministre car vous affirmiez,
battant campagne, qu'il n'était pas question de
marchandages et de tractations comme cela se passe
habituellement dans les appareils politiques, appareils
que vous n'avez eu de cesse de pourfendre.
Publiquement, aucun message autre que la reddition en
rase campagne en chemise blanche et clefs de la ville
autour du cou ne nous est parvenu de la France
insoumise à nous autres bourgeois conformistes de
Calais qui ne pensions pas tout à fait exactement comme
vous. Hamon était le bienvenu s’il renonçait à tout. Les
3. phrases sont nombreuses et j'invite tous les insoumis qui
s'étrangleraient en lisant ces lignes à retrouver les
déclarations et les gestuelles de leur chef qui le prouvent
irréfutablement.
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Il n'y avait pas d'accord possible. Vous nous l'avez
suffisamment martelé. Dire aujourd'hui que vous avez
perdu l'élection à cause de Benoît Hamon est un déni de
réalité et vous le savez. En revanche votre stratégie n'a
pas été la bonne : vous vouliez être président et vous
n'avez pas passé la barre du premier tour ; vous vouliez
imposer la cohabitation en devenant le Premier ministre
du Président Macron et pour se faire les Français, les
gens donc, vous ont gentiment accordé 15 députés.
Forfaiture
Si je vous dis tout ça c'est que, en accompagnant mes
enfants à l'école, je suis tombé sur une affiche nous
invitant à vous rejoindre le 23 septembre pour "marcher
contre le coup d'État social". Autant votre sortie sur le PS
comparé à "un zoo dont les animaux se garderaient tous
seuls" m'a fait rire, autant ce slogan écrit et collé sur les
murs me paraît grave.
Emmanuel Macron a gagné l'élection sur un programme
et une méthode. Devenu président, il applique son
programme et sa méthode. Il n'y a donc, ni de près ni de
loin, un coup d'État. Cela s'appelle la démocratie. On
peut exprimer ses doutes, voire ses craintes et son
mécontentement, mais utiliser cette expression de "coup
d'État" est indigne. Si ce qui se passe en France est un
4. "coup d’Etat social", je ne sais comment qualifier le
régime politique de Maduro.
C’est choquant et, au regard de votre parcours politique,
c’est une forfaiture, c'est-à-dire un manquement grave à
une parole donnée. Et cette parole n'est autre que votre
si longue carrière politique : vous avez été conseiller
général, président délégué du conseil général de
l'Essonne, ministre, député, sénateur... Vous êtes depuis
des décennies un serviteur des institutions de ce pays,
dans la majorité comme dans l'opposition et de ce point
de vue, c'est-à-dire du point de vue de votre parcours
dans les différents institutions de ce pays, vous faites
partie de ce système qui autorise des élections et permet
des changements de gouvernance.
S’il y a un homme politique en France qui ne peut pas
dire ça sans se déjuger immédiatement, c’est bien vous.
Assimiler la politique d'Emmanuel Macron légitimement
élu à un coup d'État social est une forfaiture... ou alors
soyez quitte vis-à-vis de la nation et redonnez aux
Français, aux gens, l'intégralité des sommes que vous
avez perçues de l'État durant votre longue carrière
politique. Redevenu libre et reniant votre passé, vous
pourriez alors utiliser les formules les plus percutantes
pour attaquer la politique de ce gouvernement et
affirmer, pourquoi, pas que les élections étaient
truquées comme cela vous a chatouillé un temps le soir
des résultats du premier tour de la présidentielle.
Analyser la défaite
A quoi devons-nous nous attendre dans les prochains
jours ? Un appel à prendre le maquis ? À organiser des
5. sabotages ? Les mots ont un sens et, vous qui êtes
cultivé, le savez trop bien : l’écho des formules à
l’emporte-pièce peut tuer. Des régimes totalitaires, ici
comme ailleurs, ne nous l'ont que trop prouvé. Il est un
peu désespérant qu'un homme politique se revendiquant
des valeurs pacifistes et humanistes en arrive à utiliser
ces grosses ficelles de propagande pour exciter les foules,
sans doute pour lui faire oublier que le meilleur moyen
de lutter contre cette réforme du code du travail eut été
de remporter les élections.
Car ce fameux "coup d’Etat social" ne méritait-il pas
d’appeler au rassemblement avant les élections ? Et pour
cela faire preuve d’un peu moins de morgue et de mépris
envers les différentes composantes de la gauche ?
Je vous fais grâce de l’urgence écologique pour laquelle
j’étais venu vous rencontrer sur un plateau de France
Télévision avant le dépôt des candidatures, urgence
écologique qui a elle seule méritait une union sacrée des
forces progressistes, beaucoup plus que des ordonnances
qui peuvent être annulées dans cinq ans. Mais
partagions-nous réellement cette urgence ?
Le meilleur service que vous puissiez rendre au peuple
de gauche serait, à mon sens, d'analyser votre défaite car
on ne construit pas l'avenir sur un déni de réalité.
Cordialement,
Philippe Torreton