La notion d’utilisabilité est peu à peu devenue une référence incontournable pour la conception et l’évaluation des interactions homme-machine. Cette approche a effectivement contribué à une amélioration de la facilité d’utilisation des interfaces. Pour les équipes de conception souhaitant se différencier par la qualité d’utilisation, de nouveaux domaines de recherche sont à explorer, et la question du ressenti émotionnel des utilisateurs est devenue peu à peu prépondérante. La recherche présentée dans cet article se situe dans ce cadre. Notre hypothèse générale est que certaines stratégies de design peuvent susciter un ressenti positif de l’utilisateur et améliorer ainsi l’attractivité de l’interface. Notre travail vise à contribuer aux « bonnes pratiques » de design d’interfaces sur la base de mesures de l’impact émotionnel de certaines stratégies de design. Dans ce but, nous considérons tout d’abord les méthodes de mesure de l’émotion présentées dans de précédents travaux relatifs au design-produit. Certaines de ces méthodes sont ensuite testées afin de répondre plus particulièrement aux caractéristiques spécifiques d’une expérience d’utilisation d’une interface. Une méthode associant différentes mesures complémentaires de l’émotion, synchrones/asynchrones, objectives/subjectives, sera ainsi envisagée.
2. Emotion et Design d’Interface
Damien Lockner
Aix Marseille Université
PsyCLE (EA 3273)
29, avenue Robert Schuman
13621 Aix-en-Provence Cedex 1 FRANCE
damien.lockner@etu.univ-amu.fr
Nathalie Bonnardel
Aix Marseille Université
PsyCLE (EA 3273)
29, avenue Robert Schuman
13621 Aix-en-Provence Cedex 1 FRANCE
nathalie.bonnardel@univ-amu.fr
Carole Bouchard
Product Design and Innovation Laboratory
Art et Métiers PARISTECH
151, Boulevard de l’Hôpital
75013 Paris, France
carole.bouchard@ensam.eu
Vincent Rieuf
Product Design and Innovation Laboratory
Art et Metiers PARISTECH
151, Boulevard de l’Hôpital
75013 Paris, France
vincent.rieuf@gmail.com
RESUME
La notion d’utilisabilité est peu à peu devenue une
référence incontournable pour la conception et
l’évaluation des interactions homme-machine. Cette
approche a effectivement contribué à une amélioration
de la facilité d’utilisation des interfaces. Pour les équipes
de conception souhaitant se différencier par la qualité
d’utilisation, de nouveaux domaines de recherche sont à
explorer, et la question du ressenti émotionnel des
utilisateurs est devenue peu à peu prépondérante. La
recherche présentée dans cet article se situe dans ce
cadre. Notre hypothèse générale est que certaines
stratégies de design peuvent susciter un ressenti positif
de l’utilisateur et améliorer ainsi l’attractivité de
l’interface. Notre travail vise à contribuer aux « bonnes
pratiques » de design d’interfaces sur la base de mesures
de l’impact émotionnel de certaines stratégies de design.
Dans ce but, nous considérons tout d’abord les méthodes
de mesure de l’émotion présentées dans de précédents
travaux relatifs au design-produit. Certaines de ces
méthodes sont ensuite testées afin de répondre plus
particulièrement aux caractéristiques spécifiques d’une
expérience d’utilisation d’une interface. Une méthode
associant différentes mesures complémentaires de
l’émotion, synchrones/asynchrones,
objectives/subjectives, sera ainsi envisagée.
Mots Clés
Design émotionnel ; design d’interface ; mesure des
émotions.
ABSTRACT
Usability has become a major notion for the conception
and the evaluation of human-computer interactions. In
order to push forward the quality of use, new areas of
research are to be explored, and the question of end-
users’ emotions has become preponderant. Our view is to
contribute to better ways to design and evaluate
interfaces, by measuring the emotional impact of specific
design strategies. In this paper, we discuss of emotional
measurement methods which would fit the requirements
of an interface use experience. Thus, we combine
synchronous./asynchronous, objective/subjective
complementary measures.
ACM Classification Keywords
HCI design and evaluation methods, User models,
Interaction design process and methods.
INTRODUCTION
Depuis plusieurs années, les équipes de conception ont
adopté une approche centrée utilisateurs selon des
recommandations ou des critères ergonomiques [23, 36].
Ces recommandations visent à minimiser l’effort cognitif
nécessaire à l’utilisation de certains produits ou
dispositifs. Ainsi, l’interaction homme-machine est
souvent considérée en fonction de l’utilisabilité, plutôt
qu’en fonction de l’expérience de l’utilisateur [4, 17].
Bien que les interfaces soient de ce fait devenues plus
faciles à utiliser, d’autres approches sont aujourd’hui
proposées. Don Norman, par exemple, suggère l’analyse
de trois niveaux d’interaction : « la prise d’information,
l’interaction effective, et le ressenti émotionnel » [24].
Les équipes de conception prennent de plus en plus
souvent en compte des considérations autres que la
stricte utilisabilité. Les nouveaux systèmes devraient
ajouter un peu de bien-être, de fun et de plaisir dans la
vie [22]. Ainsi, au-delà des fonctionnalités proposées, les
IHM pourraient être considérées comme susceptibles de
communiquer une émotion positive via certaines
stratégies de design. Ce nouveau champ de recherche
sous-tend deux problématiques importantes : d’une part
la compréhension des processus émotionnels des
utilisateurs, et d’autre part, la compréhension des
moyens pour amener une émotion via une interface.
L’objectif de cet article est donc de présenter et discuter
une méthodologie de mesure de l’émotion utilisateur
durant une expérience d’utilisation d’une interface. Dans
cette perspective, nous commençons par définir la notion
3. d’émotion et ses caractéristiques dans le contexte
spécifique d’une expérience d’utilisation d’interface.
Nous prenons en compte et testons ensuite certains outils
de mesure, susceptibles de répondre à ces
caractéristiques.
Notre étude contribue à la définition d’un protocole de
référence visant à identifier les interactions et les
caractéristiques de design suscitant une émotion de la
part de l’utilisateur. Ces résultats seront ensuite exploités
dans le contexte du projet applicatif SKIPPI [37], un
logiciel de soutien à la créativité des designers. Notre
rôle dans ce projet est d’identifier les besoins et
représentations des utilisateurs, et de proposer des
recommandations pour le design de l’application. Ces
études ont interrogé l’impact émotionnel de l’interface,
notamment au regard de la valeur émotionnelle des
contenus affichés. Un protocole d’évaluation devait ainsi
pouvoir être mis en place afin de distinguer la valeur
émotionnelle du design d’interface.
DEFINIR L’EMOTION
De nombreuses approches de l’émotion ont été
proposées par des courants variés de la psychologie :
phénoménologique, comportemental, physiologique,
cognitif [36]. Bien qu’aucun consensus ne se dégage,
plusieurs modèles s’appuient sur la notion d’évaluation
(appraisal) [2, 32] : un stimulus est appréhendé et évalué
sur la base de processus cognitifs pour générer
l’émotion. Dans cette optique, on peut dégager deux
composantes, l’une interne et l’autre externe [11, 19, 34].
La composante externe correspond aux caractéristiques
du stimulus, tandis que la composante interne correspond
aux expériences passées et aux attentes de l’utilisateur.
Une séquence d’évaluations rapides et complexes sous-
tend l’analyse du stimulus [15, 33] et prépare l’utilisateur
à réagir. Cette réaction peut être exprimée par des
changements physiologiques, comportementaux et
cognitifs [16].
Pour illustrer ces aspects, nous nous référons à une
installation temporaire mise en place à Auckland [39],
qui nous permet de souligner l’importance de l’émotion
dans un contexte de design d’interface. Cette installation
a été implantée dans une gare, au niveau d’un escalier
jouxtant un escalator. Habituellement, la plupart des
usagers empruntent l’escalator, plus rapide et plus facile.
L’escalator est plus efficient, donc plus utilisable, et ce
jugement est constamment renforcé par notre expérience.
L’installation consistait en une transformation de
l’escalier en piano. Les touches blanches et noires étaient
reproduites sur les marches. Un usager confronté à
l’installation évalue cette situation qui lui rappelle à la
fois l’expérience d’un escalier et d’un piano. Cette
incongruité peut susciter une émotion, la surprise, puis le
désir d’en découvrir davantage et donc la curiosité. Le
rythme cardiaque s’accélère un peu (réaction
physiologique), et, souriant, l’usager s’approche de
l’escalier (réactions comportementales). En montant les
marches, l’usager découvre qu’elles s’enfoncent
légèrement et que la note correspondante retentit. Les
artistes avaient développé davantage la métaphore,
suscitant ainsi l’effet d’incongruité, et le plaisir des
usagers. Certains usagers jouèrent avec l’escalier piano,
courant de haut en bas et de bas en haut. Finalement,
bien que l’escalier fût moins utilisable, davantage
d’usagers le choisirent plutôt que l’escalator, le temps de
cette installation. Bien que cet exemple soit une
extrapolation du design d’interface homme-machine, il
illustre comment une expérience positive est susceptible
d’influencer le comportement des utilisateurs, au-delà de
l’utilisabilité effective de l’interface. Les préférences et
les prises de décision étant guidées par l’émotion [30], la
notion d’évaluation apparaît particulièrement importante
pour notre étude.
Scherer [34] définit l’émotion comme une expérience
affective relativement intense, dont la cause est
clairement identifiée, et qui ne dure pas très longtemps.
Scherer distingue les émotions “utilitaires” qui mènent à
l’action (colère, peur, joie, dégoût), des émotions
“esthétique” qui ne mènent pas à l’action (admiration,
extase, harmonie, solennité).
Deux perspectives générales peuvent être distinguées
pour définir l’émotion : une perspective catégorielle et
une perspective dimensionnelle. La perspective
catégorielle considère les émotions comme
catégorisables, ces catégories pouvant être croisées, ou
divisées, pour définir des sous-catégories plus précises.
Plutchick [26] s’appuie ainsi sur huit émotions primaires
définies selon leur capacité à induire un comportement
de fuite ou d’attirance : la joie/tristesse, la
confiance/dégout, la peur/colère, et la
surprise/anticipation. Ces modèles catégoriels sont très
populaires, notamment chez les designers, parce qu’ils
sont faciles à manipuler : les termes désignant les
différentes émotions se placent dans des catégories bien
déterminées. Cependant, ces modèles présentent certains
inconvénients. Une catégorisation fondée sur la
terminologie implique de partager une même culture
linguistique. Il faudrait ainsi pouvoir faire abstraction de
toutes différences interindividuelles dans l’interprétation
des termes. Par ailleurs, par définition, un modèle
catégoriel limite le nombre potentiel d’émotions, et la
finesse de l’identification de l’émotion dépend du niveau
de granularité du modèle, induisant des biais de
4. catégorisation potentiels. D’autres modèles coexistent
donc, basés cette fois-ci sur une perspective
dimensionnelle. Deux dimensions se distinguent
particulièrement des nombreux modèles publiés : la
valence et l’activation [27, 28]. La valence correspond à
une échelle de plaisir/déplaisir, tandis que l’activation
correspond à un niveau d’endormissement/excitation.
Ces deux échelles définissent un espace bidimensionnel
dans lequel on peut placer et localiser les différents
termes émotionnels. D’autres échelles peuvent se
superposer à ce modèle, notamment celle de dominance
[20], correspondant à la capacité de contrôler le stimulus.
UN MODELE EMOTIONNEL DE L’IHM
L’analyse de Russel [29] portant sur les effets de
l’émotion confirme l’importance d’une émotion positive
dans le contexte de l’utilisation d’une interface. Une
émotion positive améliore en effet les capacités
d’attention et favorise les jugements positifs [25, 31, 35],
tandis que l’activation améliore la performance cognitive
[18]. Une combinaison de valence et d’activation fortes
favorise l’optimisme dans le choix d’objectifs et de
stratégies. D’autres travaux ont également montré qu’une
émotion positive pouvait améliorer l’apprentissage et la
réalisation de différentes tâches [5, 6, 10, 12]. De telles
conclusions justifient l’intérêt de développer des
interfaces suscitant une émotion positive.
Comme nous l’avons évoqué plus haut, le ressenti des
utilisateurs dépend de facteurs individuels tels que les
expériences passés, la culture, l’intérêt et
l’investissement envers la tâche. Le design de l’interface,
dont les designers sont responsables, ne constitue donc
que l’une des nombreuses variables influençant le
ressenti de l’utilisateur final. Desmet [11] propose ainsi
un modèle selon lequel l’émotion constitue le résultat
d’un processus d’évaluation basé d’une part sur les
caractéristiques individuelles de l’utilisateur, et d’autre
part sur les caractéristiques du produit. Desmet ajoute
que le produit n’est pas toujours le stimulus direct ; les
pensées suscitées par le produit peuvent parfois en être le
stimulus effectif. Ce point de vue rejoint celui de
Norman [24] qui distingue plusieurs niveaux
émotionnels d’interaction avec un produit : un premier
niveau « viscéral » correspondant au ressenti immédiat et
instinctif, et deux autres niveaux davantage liés à la
perception de l’interaction par l’utilisateur
(« comportemental ») ou à une évaluation
sociale/intellectuelle (niveau « réflectif »).
Notre étude prenant en compte les spécificités du design
d’interface, il est nécessaire de préciser davantage les
composantes de ce type de « produit » particulier. Le
diagramme ci-dessous est ainsi proposé (cf. figure 1).
Dans ce diagramme, l’expérience d’utilisation de
l’interface influence le ressenti émotionnel de
l’utilisateur. L’expérience d’utilisation (stimulus
externe), se confronte à des stimuli internes de
l’utilisateur (intérêt, attentes, expériences passées). Ce
mécanisme d’évaluation suscite l’émotion de
l’utilisateur. Ce schéma est compatible avec le modèle
présenté plus haut qui considère le traitement évaluatif
des composantes internes et externes pour générer
l’émotion. Le diagramme correspond également au
modèle émotionnel de Desmet fondé sur les
caractéristiques utilisateurs et les caractéristiques
produit. Ici cependant, nous avons substitué le terme de
« produit » par celui « d’expérience utilisateur de
l’interface ». La notion d’expérience renvoie en effet à
une interaction continue avec le produit, impliquant par
nature des modifications constantes de ses
caractéristiques. Les spécificités d’une IHM nous
amènent à distinguer trois composantes spécifiques
susceptibles d’influencer le ressenti de l’utilisateur :
Picto
gram
mes :
theno
unpro
ject.c
om
Contenus TâcheDesign d’Interface
(Information Design,
Interaction Design)
Designer Expérience
d’utilisation
Utilisateur
Figure 1 : un modèle du design émotionnel d’interface
5. • Le « contenu » correspond aux informations et
aux données communiquées à l’utilisateur. Il
rassemble des éléments textuels (textes,
articles), pictoriaux (photos, pictogrammes,
illustrations, diagrammes), vidéos, ou sonores.
Le contenu est typiquement alimenté par des
rédacteurs tandis que l’interface est conçue par
des designers.
• Le « design d’interface » correspond à la mise
en forme et à la stratégie de présentation du
contenu et des fonctionnalités. Nous distinguons
le « design d’information » pour les stratégies
de structuration et de présentation des contenus,
et le « design d’interaction » pour les modes
d’interaction de l’utilisateur avec l’interface.
• La « tâche » correspond à l’objectif recherché
lors de l’utilisation de l’interface (lire,
comparer, rechercher, calculer, organiser,
concevoir…). Réaliser ces tâches peut induire
une émotion chez l’utilisateur.
Ces trois composantes sont très liées, et constituent
les caractéristiques-produit de l’interface supportant
« l’expérience d’utilisation ». Deux autres
composantes devraient, en outre, être prises en
considération :
• Les spécificités de l’utilisateur au moment de
l’interaction. Cet élément pourrait
potentiellement rassembler de nombreuses
variables interindividuelles, telles que le profil
culturel, les connaissances antérieures en lien
avec le contenu (marque, images, articles
afférents…) et avec les modes d’interaction,
l’expertise de l’utilisateur, éventuellement
affectée par le contexte d’utilisation, la
personnalité de l’utilisateur, son humeur, son
intérêt pour la tâche, etc.
L’expérience utilisateur de l’interface,
considérée comme le stimulus externe global,
est ainsi évaluée selon les caractéristiques
internes propres à l’utilisateur, et contribue à
susciter l’émotion. Ce processus devrait être
considéré comme continu et itératif : les
émotions suscitées par l’interface s’additionnent
aux expériences passées, et influencent le
ressenti pour la suite de l’expérience
d’utilisation. Ces changements constituent en
fait l’objectif des designers qui souhaitent
influencer le comportement et les actions des
utilisateurs.
• Le designer, qui dispose de stratégies de design
émotionnel, pour les designs d’information et
d’interaction. Ses pratiques sont cependant
souvent empiriques. A terme, nous aimerions
pouvoir mieux comprendre comment les
pratiques de design influencent le ressenti des
utilisateurs. Pour ce faire, une première étape
est de disposer d’une méthodologie solide
capable de distinguer « l’effet émotionnel » de
différentes stratégies de design d’interface.
MESURER LES EMOTIONS DES UTILISATEURS
Dans la perspective de disposer d’un protocole de
mesure de l’émotion adapté aux interfaces, une
expérimentation a été mise en place, en s’appuyant
notamment sur les travaux de Rieuf [30].
Le principe retenu pour cette expérimentation se
structure selon deux parties. Dans un premier temps, des
stimuli contrôle, dont on connaît la valeur émotionnelle,
ont été soumis à des utilisateurs au travers d’une
interface, afin de vérifier la capacité des outils
sélectionnés à fournir des résultats significatifs. Dans un
second temps, les méthodes retenues sont employées
pour comparer l’impact émotionnel de deux interfaces
différentes. Huit utilisateurs ont été recrutés. Leur niveau
de stress, d’humeur et de bien-être ont été mesurés dans
un premier temps afin d’écarter d’éventuels biais
individuels.
Objectif #1 : tester la fiabilité de la méthode de
mesure
Pour atteindre cet objectif, nous avons présenté douze
images issues de la base de Genève (GAPED) [9]. Cette
base contient 730 images dont les valeurs de valence et
d’activation ont été validées dans le monde entier. Nous
avons sélectionné trois groupes de quatre images en
fonction de leur score de valence : les images obtenant le
score le plus élevé, le plus faible, et le plus proche de la
valeur nulle correspondant à une valence neutre.
Des travaux antérieurs font état de trois types de
composantes permettant de mesurer le ressenti
émotionnel d’un utilisateur : les composantes
physiologiques, comportementales, et cognitives. Ces
travaux soulignent notamment les limites de chacune de
ces composantes. Aussi, des mesures complémentaires
associant les trois composantes simultanément sont
conseillées [18,19,21].
Composante physiologique
La composante physiologique permet d’obtenir une
mesure synchrone à l’expérience d’utilisation. Parmi les
différentes mesures physiologiques disponibles, la
mesure de la conductance électrodermale est une mesure
objective (non contrôlable par l’utilisateur), et est
exploitée pour traduire les variations d’activation selon
le's recommandations issues de travaux antérieurs [8].
Cette mesure souffre cependant d’une latence
importante, le pic correspondant à un stimulus ponctuel
n’apparaissant qu’après un délai d’une à trois secondes,
et nécessitant plusieurs secondes, voire dizaines de
secondes, pour revenir à un niveau normal. Dans le
contexte d’une expérience continue d’utilisation
d’interface, cette latence peut poser des difficultés de
lecture, plusieurs stimuli rapprochés pouvant déclencher
la superposition de plusieurs pics. Nous avons donc
mesuré la conductance moyenne, le nombre de pics et
leur amplitude, sans écarter les pics de faible intensité.
6. Nous avons également inséré une période d’attente de
quinze secondes entre chaque image du GAPED.
Nos résultats n’ont pas rejoint nos attentes. En effet, il
apparaît que l’essentiel de l’activité électrodermale se
déroule durant les phases de repos. Paradoxalement, les
phases de repos apparaissent donc comme étant plus
actives. Plusieurs hypothèses explicatives peuvent être
formulées. D’une part, les phases de repos sont parfois
exploitées par les utilisateurs pour se détendre et
s’étirer ; ils sont donc plus actifs que lorsqu’ils observent
passivement une image. D’autre part, une barre de
progression indique l’avancement du temps d’attente. Il
s’agit d’une animation susceptible de générer plus
d’éveil que la présentation d’une image fixe. Des tâches
de réponse à des questionnaires, que nous présenterons
plus loin, génèrent ainsi bien davantage d’activation.
Nous n’écarterons donc pas la composante physiologique
de nos prochaines études, mais nous gardons à l’esprit
qu’un niveau minimum d’interaction est nécessaire pour
rendre cette mesure exploitable.
Composante comportementale
La composante comportementale est principalement
mesurée en exploitant les modifications des traits du
visage, sur la base des travaux d’Ekman [13]. Pour cette
expérimentation, nous avons exploité le logiciel
FaceReader [21], qui permet d’observer 500 points clefs
du visage de l’utilisateur sur la base d’un enregistrement
video. Un score de valence est calculé à partir d’un
rapprochement de probabilité en fonction de sept
émotions de références (neutre, joie, tristesse, colère,
surprise, peur, dégoût). L’analyse du visage a le bénéfice
de fournir une mesure continue et synchrone, et objective
dès lors que l’utilisateur ne contrôle pas consciemment
les traits de son visage.
Les résultats de cette analyse présentent une très large
dispersion des résultats selon les participants, et aucun
motif cohérent n’a pu être dégagé. Les moyennes des
scores de valence mesurés sont très proches de la
neutralité, alors que le GAPED indique des valeurs
importantes pour les deux groupes d’images extrêmes.
Ces difficultés devraient néanmoins être confirmées par
d’autres études, et par un échantillon de participants plus
important. Le protocole pourrait en outre nécessiter une
analyse plus fine, permettant d’écarter les erreurs de
détection du visage par le logiciel sur la base d’un
contrôle manuel, image par image.
Composante cognitive
Cette composante correspond à la perception par
l’utilisateur de son ressenti émotionnel. Il s’agit d’une
mesure subjective et asynchrone, tout type de
questionnaire nécessitant d’interrompre l’expérience
d’utilisation. Dans le cas de cette expérimentation, les
questionnaires ont été proposés après la présentation de
chaque image, et avant une phase de repos de quinze
secondes. Nous avons sélectionné deux types de
questionnaires graphiques. La Geneva Emotion Wheel
(GEW) [34, 36] se présente sous la forme d’un cercle
représentant un espace circomplexe structuré selon les
axes de valence et d’activation. Afin de faciliter la
compréhension de ce cercle par les utilisateurs, une
vingtaine de labels d’émotions ont été placés en
périphérie. Les utilisateurs peuvent indiquer une ou
plusieurs émotions ressenties, ainsi que l’intensité de ces
émotions selon la distance au centre du cercle. Un
inconvénient des questionnaires présentant une
terminologie est de limiter le choix aux termes proposés.
Dans la GEW, il est de ce fait également possible
d’inscrire un terme librement choisi par l’utilisateur au
centre du cercle, ou d’indiquer qu’aucune émotion n’a
été ressentie. Un autre inconvénient est souvent lié au
biais d’interprétation du sens des termes proposés. Nous
avons donc également mis en place un second
questionnaire graphique présentant trois échelles
(valence, activation, dominance). Ces trois échelles du
Self Assesment Manikin (SAM) [7] font usage de
pictogrammes pour présenter les valeurs émotionnelles.
Ce questionnaire est donc compatible avec un segment
de population plus large (enfants, participants de culture
ou de langage différents).
Les résultats sont cohérents avec les valeurs de référence
du GAPED (voir Figure 2).
Figure 2. Réponses aux questionnaires
En haut : GEW ; en bas : SAM
Rouge : images négatives
Bleu : images neutres
Vert : images positives
Les résultats reposant sur la GEW montrent clairement
une distinction entre les images positives et celles
7. négatives. Les images neutres tendent vers des émotions
de tristesse et de compassion, une explication étant que
ces images induisent une faible activation, comme le
suggère la réponse au SAM. Les deux questionnaires
apparaissent donc complémentaires et fiables. Il faut
cependant garder à l’esprit que les stimuli employés
étaient de valence particulièrement importante pour les
deux groupes d’images positives et négatives.
Objectif #2 : tester la sensibilité du système de
mesure envers différentes variations de design
Pour cet objectif, nous souhaitions mesurer l’effet
émotionnel du seul design émotionnel, en excluant les
effets causés par le contenu et la tâche qui ne dépendent
pas du travail du designer (voir Figure 1). Pour ce faire,
nous avons considéré que la différence entre le ressenti
causé par l’ensemble de l’expérience d’utilisation, et le
ressenti causé par le seul contenu, déterminait l’impact
émotionnel l’interface :
[Emot° globale UX] x [Caractéristiques utilisateur]
=
([Emot° contenu] + [Emot° interface] + [Emot° tâche])
x [Caractérisitiques. utilisateur]
[Emot° interface] = [Emot° globale UX] - [Emot° contenu]
En ne faisant varier que le design de l’interface, nous
avons considéré que la différence de ressenti émotionnel
lié à la tâche pouvait être négligeable.
Dans cette seconde phase, nous avons donc comparé le
ressenti émotionnel d’un contenu texte/image sans
interface, au ressenti émotionnel du même contenu placé
au sein d’une interface. Afin de neutraliser les
différences interindividuelles, et d’éviter de présenter
successivement deux contenus identiques dans une forme
différente, nous avons constitué deux contenus différents
contrebalancés selon deux groupes de mise en forme :
UX type A et UX type B. Le design de type B se
distingue par des proportions s’appuyant sur le nombre
d’or, un arrière-plan coloré, qui s’accorde aux tons des
images, une image sans marge, un titre centré aux
caractères un peu plus grands, une transition de page
animée, et un effet de fondu coloré au survol des
éléments du menu (voir Figure 3). Plusieurs travaux
présentent en effet ces variables comme susceptibles
d’affecter le ressenti des utilisateurs [5].
Figure 3. A gauche : UX Type A ; à droite : UX Type B
Les photos sont floutées pour respecter le copyright.
Notre objectif est alors de déterminer si le système de
mesure proposé est capable de distinguer des émotions
différentes selon deux typologies de design. Selon notre
hypothèse, l’effet du design peut être estimé en
comparant l’effet de l’expérience d’utilisation globale à
l’effet des contenus seuls.
En exploitant les questionnaires GEW et SAM dont nous
avons vérifié la fiabilité dans la première partie de cette
expérimentation, nous avons pu évaluer l’impact
émotionnel des images seules, des textes seuls, et de
l’ensemble de l’expérience d’utilisation pour les deux
typologies d’interface. Ces résultats ne sont pas détaillés
ici dans un souci de brièveté.
Nous avons ensuite soustrait la valeur émotionnelle des
contenus seuls à la valeur émotionnelle de l’expérience
globale d’utilisation. Selon notre hypothèse, cette
résultante correspond à la valeur émotionnelle du seul
design d’interface. L’impact des deux stratégies de
design devient ainsi comparable (voir Figure 4). Ces
résultats présentent l’interface de type B comme étant
plus amusante, et générant un peu plus de plaisir que
l’interface de type A. Les deux interfaces suscitent un
niveau de contentement similaire, et l’interface de type B
présente un niveau de dominance plus important.
Figure 4. Comparaison des émotions suscitées par deux
designs différents
En haut : GEW ; en bas : SAM
Les méthodes que nous avons employées afin de mesurer
l’impact émotionnel d’une interface ne répondent donc
pas toutes de manière satisfaisante à nos attentes.
• L’utilisation de FaceReader pour mesurer la
composante comportementale au travers d’une
analyse automatisée des traits du visage des
utilisateurs n’a pas permis d’obtenir des
résultats significatifs. Plusieurs hypothèses
peuvent être avancées pour expliquer ces
résultats : l’analyse globale des videos inclut
8. des images pour lesquelles les visages sont mal
reconnus ; les stimuli visuels peuvent ne pas
susciter une intensité émotionnelle suffisante
pour observer des changements du visage.
• La mesure électrodermale a abouti à des
résultats paradoxaux, présentant une activité
plus importante durant les phases de repos et de
questionnaires, que pendant les phases de
présentation de stimuli textes et images. Il
semble donc que les interfaces proposées
n’impliquent pas suffisamment les utilisateurs
en termes d’activation. Nous conserverons donc
cette mesure pour nos prochaines
expérimentations, qui mettront notamment en
œuvre des interfaces plus « interactives ».
• Les questionnaires GEW et SAM ont permis de
mettre en évidence des différences de ressenti
dans le cadre de deux designs différents. De ce
point de vue, ces résultats apparaissent très
encourageants. En revanche, par nature, ces
questionnaires n’offrent qu’une mesure
ponctuelle, asynchrone. Dans le contexte de
notre expérimentation, présentant une interface
relativement homogène, nos résultats peuvent
apparaître valides. Cependant, dans le contexte
d’une prochaine expérimentation proposant des
interactions plus riches susceptibles de susciter
des variations de l’émotion ressentie au cours de
l’expérience d’utilisation, la validité de ces
questionnaires asynchrones risque d’être plus
problématique.
CONCLUSION
Le design émotionnel est devenu une problématique
cruciale pour les designers d’interface. Cependant, leurs
pratiques demeurent aujourd’hui empiriques. Des
méthodes spécifiques sont nécessaires afin de pouvoir
évaluer de manière fiable l’impact émotionnel des
stratégies de design. Nous avons cherché à établir une
méthode de mesure de l’impact émotionnel spécifique au
design d’interface. Nos premiers résultats ont montré que
les méthodes conventionnelles de mesure de l’émotion
n’étaient pas toutes adaptées à ce contexte spécifique.
Cependant, les questionnaires SAM et GEW, bien que
subjectifs et asynchrones, ont permis de faire état de
différences de ressenti entre deux interfaces différentes.
Nous espérons que ces résultats contribueront à
alimenter la définition d’un protocole de mesure de
l’émotion adapté aux spécificités du design d’interface,
et, in fine, à établir l’effet de différentes stratégies de
design émotionnel.
REMERCIEMENTS
Ce travail est financé par l’ANR dans le cadre du projet
SKIPPI (ANR-2010-COSI-016-01).
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